Alors que les premiers flocons de neige annonçaient l’arrivée de l’hiver, les villageois savaient pertinemment que ce phénomène céleste plutôt sympathique était également annonciateur de jours plus sombres. Chaque année, de mystérieux guerriers ninja émergeaient des cimes de la montagne pour détruire leurs récoltes et voler leurs ressources… Après des années à assister impuissant à cette infamie, le chef du village convainquit son peuple de trouver un moyen de faire face une fois pour toute aux saccageurs. Aussi, réunit-il autant d’or que possible, lançant un appel à travers les villages dans l’espoir que des samouraïs accepteraient d’apporter aide et protection. À son grand soulagement, ce dernier fut entendu, mais pas par quelques nobles samouraïs, mais bien par un groupe hétéroclite de Ronins, samouraïs sans maître, désireux de se battre aussi bien pour la gloire que pour un repas chaud. Le chef du village leur promis un toit pour l’hiver, ainsi que tout l’or récolté si ces derniers acceptaient de protéger le village et de défaire une fois pour toute ces viles félons de ninjas. Les Ronins acceptèrent et s’installèrent dans le village. Mais tiendraient-ils parole ?
La Légende Kurosawa…
Akira Kurosawa est un réalisateur, scénariste et producteur japonais né à Tokyo le 23 mars 1910. Il est aujourd’hui considéré à l’instar de Yasujiro Ozu et Kenji Mizoguchi, comme le cinéaste japonais le plus célèbre et le plus influent de l’histoire. Petit dernier d’une famille de sept enfants, bien qu’attiré par un cursus artistique, il se lance d’abord dans la maîtrise de l’art du Kendo (une version modernisée du kenjutsu, l’escrime au sabre pratiquée autrefois par les samouraïs), spécialement pour faire plaisir à son père, issu d’une longue lignée de nobles samouraïs et qui plus est, officier de l’armée impériale. En 1929, alors âgé de 19 ans, Akira finit par intégrer l’école des beaux-arts de Dushuka.
Résident pendant quelques temps chez l’un de ses frères, commentateur de films muets, il se met à l’accompagner dans les salles obscures où il découvre un grand nombre de classiques qui enflamment sa passion naissante pour le 7e art. Il envisage alors de continuer dans cette voie. Ses besoins pécuniaires l’incitent à tenter le concours d’entrée aux studios de la Compagnie Toho où il est engagé comme apprenti réalisateur. Il commence alors à écrire ses premiers scénarios, marquant le début d’une fantastique carrière qui donnera notamment lieu en 1954 au mythique Shichinin no samurai (les 7 samouraïs). L’histoire de Shichinin no samurai se déroule en 1586, durant l’époque dite des « provinces en guerre » (Sengoku). Le Japon doit alors faire face à des dissensions monstres. En effet, les différents clans se disputent violemment le pouvoir. Évidemment, ce chaos généralisé profite joyeusement à des groupes de scélérats qui s’adonnent pernicieusement au pillage des communautés laissées dès lors sans défense. Se sentant menacé, un village de pécores fait appel à des samouraïs pour assurer sa protection face aux hordes de brigands. C’est alors que 7 guerriers sans maître (des Ronins) répondent à l’appel et acceptent de se mettre gratuitement à leur service. Ils assurent dès lors la défense du village et finissent même par parvenir à éliminer les attaquants, non sans perdre héroïquement 4 d’entre eux…
Cela ne vous rappellerait pas quelque-chose ? Absolument ! 7 Ronin, comme bien d’autres œuvres (notamment cinématographiques) est basé sur le film de Kurosawa.
Avant de nous intéresser à la boîte de jeu en elle-même, ouvrons le couvercle et regardons le contenu avec notre capsule vidéo « Y’a Koi Dedans ? ».
Y’a Koi Dedans ?
Voyez d’abord avec votre esprit, ensuite avec vos yeux, et enfin avec votre corps. [Yagyu Munenori]
7 Ronin est un jeu asymétrique de bluff et d’affrontement conçu par Piotr Stankiewicz et Marek Mydel et illustré par Aleksander Karcz. Conçu pour 2 joueurs dès 14 ans pour une durée de partie moyenne de 30 minutes, il est édité et localisé sous nos latitudes par Don’t Panic Games. Un éditeur qui nous habitue à de jolis opus avec des jeux comme Négociateurs Prise d’Otages (dont on vous a déjà parlé), Champions de Midgard ou son fameux Deck building sur l’univers de DC Comics.
Bien qu’inspiré de l’œuvre de Kurosawa, 7 Ronin ne se calquera évidemment pas tel quel sur la même storyline. Ainsi, il sera question de Ninja et non de brigands… Le joueur qui sera à la tête des assaillants aura pour but de conquérir le village, soit en éliminant les 7 marqueurs représentant les défenseurs Ronin, soit en réussissant à occuper 5 des 10 quartiers composant le village. Le joueur à la solde de la défense devra quant à lui repousser les attaques des Ninjas et protéger la populace. Soit en éliminant tous les marqueurs Ninja, soit en survivant jusqu’à la fin du 8ème round sonnant la retraite des assaillants.
Le plateau du jeu, représentant le village, est constitué de 10 quartiers et d’une place centrale considérée comme un espace « spécial » qui ne peut être « occupé » et qui n’est pas non plus défini par des limites.
L’esprit concentré peut perçer la pierre.
Comme indiqué précédemment, une partie de 7 Ronin se déroule en 8 tours, correspondant aux 8 jours au cours desquels les Ninjas attaqueront sans relâche le village. Chaque tour sera lui-même subdivisé en 3 phases ; à savoir, phase de planification, de combat et de fin. Évidemment, chacune des 3 phases sera également composées d’une série d’étapes.
Chaque joueur possède un paravent derrière lequel se cache une sorte de plateau de planification à l’image du village. En phase de planification, l’attaquant devra déployer des marqueurs « Ninja » sur une certaine quantité de quartier (quantité dépendant directement du niveau de menace s’incrémentant chaque tour) sur ce fameux plateau. Le nombre maximum de marqueurs qu’il lui sera possible de déployer est précisé par le biais des limites de chaque quartier. Bien évidemment, il sera obligé de placer un minimum de marqueurs par tour.
Le défenseur devra procéder similairement avec ses marqueurs Ronin à quelques détails près. Il devra notamment toujours déployer tous les marqueurs disponibles. Qui plus est, un quartier du village, si défendu, ne pourra l’être que par un Ronin.
Une fois la planification terminée, les joueurs passeront à la phase de Combat. Oui, Petit Roseau… Les choses sérieuses vont commencer ! En plus d’un sympathique patronyme et d’une certaine quantité de points de vitalité, chaque Ronin possède également une capacité spéciale. C’est par la résolution de cette capacité que débutera le combat, sachant que certaines d’entre elles ne seront évidemment applicables que sous certaines conditions. Une fois les capacités spéciales appliquées, on déterminera l’état de chaque quartier du village. Ces derniers peuvent être contestés (contenant des marqueurs ninja et ronin), libres (ne contenant ni l’un, ni l’autre) ou occupés (ne contenant que des marqueurs ninjas).
Pour les quartiers dit « contestés », le Ronin déposera les marqueurs de ninjas moisis sur sa carte. Ces derniers correspondront aux points de blessures reçus lors de cet affrontement. Si d’aventure, le nombre de marqueurs devait être plus important que le nombre de point de vitalité du Ronin concerné, ce dernier se verrait alors agendé un rencard avec le grand créateur et serait éliminé du jeu.
Tous les marqueurs Ninja des quartiers dit « occupés » seront dès lors placés sur les zones « d’attaque », établissant un siège sur les quartiers concernés jusqu’à ce qu’une capacité spéciale ou le résultat d’une attaque ultérieure ne les en élimine.
Chaque quartier possède une capacité spéciale que l’attaquant pourra résoudre une fois les combats terminés. C’est également à ce moment-là que l’on vérifiera si l’attaquant a rempli l’une des deux conditions de victoire. À savoir, occuper 5 zones différentes du village ou occuper 2 champs et 2 autres quartiers du village. Si ce n’est pas le cas, on passera à la dernière phase du jeu qui consistera pour le défenseur à prendre tous les marqueurs de ses Ronins encore vivants et d’appliquer d’éventuels pouvoirs latents. Et on recommence avec une phase de planification pour un nouveau tour…
En sus des conditions de victoire susmentionnées, l’Attaquant gagnera également si tous les Ronins ont été éliminés et qu’un marqueur ninja subsiste dans l’un des villages. Le défenseur remportera quant à lui la victoire, si l’attaquant n’a pas rempli les conditions au 8ème tour ou si la totalité des marqueurs ninja ont été éliminés.
La stratégie est le talent du guerrier ou la tactique est la loi des samouraïs. [Miyamoto Musashi]
Une petite boîte qui sent bon les saveurs de l’Asie, mais surtout les parfums du Japon féodal. Un matériel produit avec soin et de très belles illustrations qui viennent compléter la production. A l’intérieur, trois plateaux de jeux solides en carton, deux paravents, une série de marqueurs en carton et en bois, huit belles tuiles épaisses pour les Ronins et le Chef Ninja et finalement, la règle du jeu. Le matériel donne clairement envie de se plonger dans les parties avec une immersion assurée par la thématique bien exploitée sur le matériel de jeu.
Côté gameplay, 7 Ronin est un titre qui proposera 2 approches ludiques radicalement différentes. En effet, jouer la défense avec les Ronins ou l’attaque avec les Ninja offrira 2 sensations relativement opposées.
Les Ronins débuteront le jeu en force et en nombre ; mais tenir les hordes de Ninja en respect tout au long des 8 tours s’avèrera être un exercice bien plus complexe qu’il ne pourrait y paraître. Il s’agira donc de placer ses Ronins judicieusement pour optimiser notamment l’exercice de leur capacité spéciale permettant de surcroît de sympathiques synergies.
En revanche, jouer les assaillants Ninja consistera principalement à placer stratégiquement un juste nombre de troupes là où la défense s’y attend le moins. Un jeu asymétrique de double guessing en pagaille dans un univers sino-médiéval aussi épique que réussi : les amateurs du genre apprécieront.
Des sensations de jeu différentes, un titre stratégique, une belle expérience de jeu et du matériel qui nous plonge au cœur de la thématique… Voilà de quoi se faire véritablement plaisir ! Et aussi des parties qui se renouvellent parfaitement. On a hâte d’y revenir à chaque fois !
7 Ronin est d’ores et déjà disponible en boutique, en français, et pour un prix d’environ 24€. À présent, à vous d’affûter votre Katana et quant à nous, on vous dit « Sayônara Mata aimashô » !
La règle du jeu en français
La fiche du jeu sur le site de Board Game Geek
Le site de l’éditeur Don’t Panic Games