Dans la pénombre d’une ruelle de New York, une masse sombre essaie de se dissimuler. Mais le blanc de ses yeux trahit immédiatement la position d’un individu portant un costume sombre et une mallette dans la main droite. En une fraction de seconde, l’homme bondit et se met à courir en direction de la 45eme avenue. Mais la Marshall Penny Stevens ne manque pas d’entraînement et course immédiatement le fuyard. Elle sort un calibre 12 et tire à deux reprises. Les balles ricochent mais manquent leur cible. L’individu s’agrippe à l’échelle d’un balcon, parvient rapidement à se hisser et en un tour de main, il se retrouve sur le toit de l’immeuble. Sur le coup, Penny est à la traîne et l’homme à la mallette en profite pour dérouler le tuyau de la lance à incendie qu’il utilise pour se balancer sur le toit du bâtiment adjacent. Cette fois c’en est fini de la traque, la Marshall ne parviendra plus à rattraper son suspect…
Si vous avez l’impression de vous retrouver dans une scène du gendarme et du voleur, c’est que vous avez vu juste ! « Fugitive », le jeu qui nous occupe aujourd’hui, s’avère directement en lien avec cela puisqu’il sera question d’un fugitif qui devra se cacher pour éviter d’être repéré par la malicieuse Marshall. Un joueur incarnera donc le fugitif et l’autre la Marshall, dans un opus qui vous l’aurez compris, sera donc exclusivement destiné à deux joueurs. Environ vingt minutes par partie et un titre facilement abordable dès huit ans. Fugitive est signé par l’américain Tim Fowers que l’on commence à connaître dans le milieu ludique avec notamment Burgle Bros qui avait été un joli succès à sa sortie en 2015.
Fugitive est donc un petit jeu de cartes plutôt malin, dans lequel le fugitif jouera des cartes numérotées face cachée. Ces cartes représenteront des cachettes et la marshall devra toutes les découvrir pour remporter la partie, faute de quoi, le fugitif prendra la poudre d’escampette et l’emportera.
Catch me if you can !
Un joueur décide d’incarner le Fugitif, qui doit se déplacer de cachette en cachette jusqu’à s’échapper complètement de la ville, tandis que l’autre joueur incarnera le Marshall essayant de le capturer. Le jeu comporte 43 cartes numérotées de 0 à 42. Ces cartes représentent les endroits où le fugitif peut se cacher.
Le fugitif prend les cartes 1, 2, 3 et 42 comme main de départ. Le Marshall commence lui sans aucune carte. Les autres cartes sont placées face cachée dans trois decks. Le fugitif et le Marshall jouent chacun leur tour pendant la partie. La carte 0 est placée au centre de la table face visible.
A son tour de jeu, le fugitif tire une carte des decks et doit établir une cachette (s’il le peut). Pour établir une nouvelle cachette, le fugitif place une carte face cachée à droite de la cachette précédente ou de la carte 0 lors du début du jeu. La nouvelle cachette doit être numérotée à 1,2 ou 3 valeurs supérieures de la précédente et le fugitif ne peut pas revenir en arrière. Pour couvrir une plus grande distance et placer une cachette avec un nombre supérieur à 3 de la précédente cachette, le fugitif peut aussi effectuer un sprint. Le sprint autorise à placer une carte cachette avec une valeur supérieure à 3 de la cachette de base, mais, il faut alors faire la différence en jouant des cartes supplémentaires de sa main et en les plaçant, faces cachées, sous la nouvelle carte cachette. Chaque carte vaut +1 ou +2, valeur marquée dans le coin inférieur droit de chaque carte. Ce nombre définit donc la valeur du sprint.
Au tour du Marshall, il pioche une carte des decks puis essaie de découvrir une des cachettes du Fugitif en devinant un nombre. Si ce nombre correspond à n’importe quelle carte cachette, face cachée, cette carte est découverte. S’il y avait des cartes sprint en dessous de la cachette, elles sont révélées aussi. Si le Marshall s’est trompé, rien n’est révélé.
Le jeu se termine si le fugitif arrive à poser la carte no. 42 face visible. Il prend alors un avion, le Marshall n’arrive plus à le rattraper et il gagne la partie. Mais le jeu peut aussi se terminer si le Marshall a découvert toutes les cachettes du fugitif. Dans ce cas, les forces de l’ordre triomphent !
A noter que le jeu comporte plusieurs variantes dont celle des cartes événements. Au début de la partie, il faut ajouter deux cartes événements aléatoires dans chacun des decks de cachettes. Quand un des joueurs tire une carte événements, il la résolve immédiatement. La plupart des événements affecteront les deux joueurs et feront généralement tirer une nouvelle carte.
Gagner se résume à 43
Le moins que l’on puisse dire c’est que Fugitive est une édition plutôt bien réalisée. La boîte du jeu est une petite mallette imprimée qui s’ouvre grace à un couvercle aimanté. A l’intérieur, un petit plateau pour les decks de cartes, les fameuses cartes du jeu mais aussi un petit feutre et son « pad » effaçable pour tracer les numéros déjà joués. Côté matériel, on regrette simplement le manque de place du rangement en carton une fois les cartes sleevées. On ne saurait également évoquer Fugitive sans parler de sa superbe réalisation graphique. Les illustrations sont particulièrement belles et colorées avec notamment des clins d’œil au jeu Burgle Bross. Par ailleurs, en suivant les cartes dans l’ordre, les illustrations racontent une histoire ; bien entendu celle du fugitif et du Marshall qui essaie inlassablement de le rattraper. Vraiment original !
Fugitive est un jeu qui s’aborde simplement ; la règle est vite lue et tant les actions du Marshall que celles du fugitif ne sont absolument pas compliquées. Le titre se joue dès huit ans mais pour peu qu’il s’agisse d’un jeune habitué aux jeux de société, Fugitive pourra même être pratiqué avant cet âge.
Dans cet opus signé Tim Fowers, il y a bien entendu une part de gestion de main pour le fugitif. Même si les deux joueurs restent quand même tributaires du tirage aléatoire des cartes, il faudra anticiper les coups suivants. Le fugitif devra choisir s’il souhaite garder certaines cartes pour les jouer plus tard ou s’il veut les utiliser pour sprinter. Tout comme il devra choisir s’il veut en jouer une ou plusieurs. Et surtout, le jeu fait appel au bluff ! Tout au long de la partie, le fugitif peut décider de placer des cartes en « sprint » mais peut sur-payer sa mise et donc faire croire au Marshall qu’il joue plus vite que prévu afin de l’induire en erreur. La déduction sera à contrario impérative pour le Marshall qui sera obligé d’anticiper les actions de son adversaire. Il devra essayer de lire le jeu du fugitif tout en gardant à l’esprit que le temps joue contre lui. En effet, si la carte 42 est posée, le fugitif aura alors gagné.
Les sensations de jeux sont très intéressantes et la partie ne retombe pas en intensité. Dès le début, on est vraiment pris dans la mécanique et les tours s’enchaînent au gré des réflexions de l’un et de l’autre. Le titre a été travaillé et fonctionne bien. Même s’il existe une possibilité de combler l’éventuel retard du fugitif, les parties sont souvent très serrées. La variante des cartes événements apporte un petit plus au jeu et des rebondissements inattendus. Mais dans l’ensemble, même sans cette variante, Fugitive garde tout son intérêt même avec le seul deck de 43 cartes.
Au final, un petit jeu malin, fourbe mais terriblement stratégique qui fait appel à des mécanismes de gestion de main et de bluff, bien pensés par l’auteur.
Fugitive reste un jeu qui à l’heure actuelle est difficilement trouvable et qui n’est pas distribué en Europe. En outre, même si les 43 cartes ne comportent aucun texte, les événements sont rédigés uniquement en anglais. Une traduction française (à l’état de document de travail) s’avère cependant disponible en téléchargement.
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La règle du jeu en français (version non-définitive)
La page web de Tim Fowers
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