Une caisse, puis une autre. Voilà toute la matinée que les hommes du village déchargent des marchandises pour mettre en place le marché. Un marché prestigieux qui commence à être connu dans tout le bassin méditerranéen. Hier les imposants bateaux de transport ont déchargé des tonnes de vivres sur les quais de Carthage. Et aujourd’hui, la populace participera au traditionnel marché. Saveurs épicées, odeur de fruits, jambons parfumés, toutes les saveurs se mélangent dans un joyeux bric-à-brac organisé. Genos contemple la mise en place, il pense, revoit le chemin parcouru. Peu de personnes ont misé sur ce marché, sur le commerce ici. Mais lui s’est accroché et a gravi les échelons de sa Guilde. Sa réputation commence à le précéder, il est apprécié de ses clients et craint de ses concurrents, son but est atteint…
Aujourd’hui nous vous parlons d’un des derniers opus sorti chez Capstone Games et localisé en français par Atalia… Carthago. Il s’agit d’un jeu de Bernd Eisenstein et Ralph Bienert, joliment illustré par Christian Opperer et Odysseas Stamoglou. Dans Carthago, vous serez propulsé dans l’antiquité au 8e siècle avant J.C. (le premier qui pense à Jacques Chirac sort !). Vous y incarnerez des marchands Phéniciens cherchant à profiter de l’effervescence du port de Carthage dans le but d’augmenter vos richesses ainsi que votre réputation au sein de votre guilde.
Carthago est destiné pour deux à quatre marchands pour des parties allant de 60 à 90 minutes durant lesquelles vous allez vous concurrencer dans le but d’exploiter au mieux les marchandises que vous rapporterez. Ceci afin de devenir le plus illustre des marchands de Carthage (avec beaucoup d’ambition).
Le jeu est issu de l’ancien Porto Carthago sorti en 2010 chez Irongames. Il y a eu un travail de réécriture et de redesign du jeu afin de le rendre plus fluide et un peu plus court. Il reprend seulement quelques mécaniques de son prédécesseur. Des éléments de ce Porto Carthago ont été enlevés (piste d’intrigue, points d’échanges) et d’autres ont été créés pour Carthago (le multi-usage des cartes, le scoring, la gestion des cartes par exemple). Ainsi, bien qu’il soit le successeur de Porto Carthago, il est également un tout autre jeu avec ses propres mécaniques. Mais regardons tout cela de plus près…
Oh la belle Trirème !
Soyons original, dans Carthago, le but du jeu est… vous l’avez compris, d’avoir le plus de points de victoire à la fin de la partie ! Pour cela vous allez jouer durant 3 décennies (dans le jeu, pas en vrai ; on a dit que la partie durait un peu plus d’une heure en moyenne) pour y parvenir. Pour cela, chaque joueur, va pendant 5 tours par décennie, effectuer une action en utilisant des cartes. Chacun de vous aura un set de cartes (les mêmes) ayant des actions indiquées dessus ainsi que des cartes marché que vous pourrez acquérir sur lesquelles sont définies une action, une valeur monétaire ainsi qu’une ressource. Ces cartes seront donc utilisées dans la partie pour une de ces trois caractéristiques.
En règle général, un joueur va à son tour dépenser une carte afin d’effectuer l’action correspondante qui lui permettra de réserver un bateau au port, réserver un bateau de guerre, acheter des cartes marchandises, livrer des marchandises à un bateau réservé et si possible combattre un navire (avec le navire de guerre réservé). Mais aussi développer sa villa ! Sur ces cinq actions disponibles, il peut y avoir une action annexe qui permet d’augmenter son standing auprès de la guilde en payant un coût indiqué pour y occuper un siège. Les bateaux auxquels on a livré des marchandises arrivent dans la zone de jeu du joueur et permettra à ce dernier d’obtenir des bonus qu’il pourra activer durant son tour. De plus, lorsqu’on participe à une bataille contre un navire ou qu’on augmente notre prestige à la guilde, on peut dépenser de l’argent afin de tenter des « réussites » qui apporteront également des points en fin de partie.
Les points de victoires sont obtenus en multipliant le nombre de bateaux acquis par le nombre de sièges obtenus à la guilde (le développement de la villa permet d’obtenir des sièges supplémentaires). A ce score, on ajoute les points bonus liés aux réussites et on peut déterminer le vainqueur.
Epices, Vins, Tissus… Qui veut mes marchandises ?
Le matériel du jeu est de très bonne qualité, que ce soit au niveau des diverses pistes qu’on assemble à la façon d’un puzzle selon le nombre de joueurs ou alors au niveau des cartes qui ont une finition supérieure. Le travail d’édition de Carthago est vraiment abouti ! Les graphismes sont également très jolis, de la couverture de la boite, aux diverses cartes. La direction artistique prise, colle vraiment bien au thème et en fait un jeu très agréable. Il faut également relever que le jeu ne comporte pas de texte mais seulement des pictogrammes très lisibles, ce qui lui permettra d’être disponible dans de nombreux pays.
Au niveau de la thématique, on s’y retrouve. En tant que marchand, les diverses actions à faire sont cohérentes et c’est sans compter le fait que la méditerranée n’était pas une zone de paix. De ce fait, les actions d’attaque de navires sont elles aussi cohérentes et en rapport au thème.
En ce qui concerne la règle du jeu, il vous faudra vous armer de patience car sa conception la rend peu « alléchante ». Dense malgré le faible nombre de pages, peu aérée avec peu d’exemples. C’est dommage… Cependant, des annexes dans celle-ci décrivent tous les effets des bateaux ainsi que des tuiles réussites.
Côté mise en place, il y a plusieurs pistes à assembler et à initialiser. Une fois la règle expliquée, la prise en mains est facile. En quelques tours, on comprend vraiment bien les différents mécanismes. Cependant, comptez avec une légère courbe d’apprentissage afin de bien réussir à gérer les cartes et leurs différents fonctionnements. D’ailleurs cette utilisation des cartes de commerce de différentes manières est vraiment la mécanique principale du jeu et c’est en partie cette mécanique qui donnera de l’intérêt au titre car même si elle n’est pas innovante, dans Carthago, elle permet vraiment de donner une grande latitude d’utilisation et de choix à faire. On a trouvé cela vraiment agréable.
Si un des objectifs de l’auteur en retravaillant son jeu pour nous offrir ce titre était de rendre plus fluide le jeu, ce dernier est réussi ! Les tours s’enchaînent vite. Bien qu’il y ait des phases de réflexion, le jeu monte en intensité au fur et à mesure des tours et les petites interactions qu’il peut y avoir sur les différents plateaux permettent vraiment de tenir les joueurs non actifs en haleine. De plus, ces interactions ainsi que le nombre d’éléments disponibles (pistes de réussites, cartes à multi-utilisation, …) offrent une grande rejouabilité à ce jeu.
Prévu de 2 à 4 joueurs, il n’y a pas de mode solitaire de disponible. Néanmoins, il y a des modifications de mise en place pour 2 et 3 joueurs de façon à toujours mettre de l’intensité et rendre compliqué les choix d’actions. C’est une très bonne chose car cela permet que quel que soit le nombre de joueurs, le plaisir de jeu reste exactement le même. C’est même assez rare de trouver un jeu qui soit satisfaisant à toutes les configurations de nombre de joueurs.
Nous sommes vraiment heureux qu’Atalia ait ajouté ce titre à son catalogue et l’ait localisé, permettant à nos amis francophones de pouvoir en profiter un maximum. En effet, peu de jeux édités par Capstone Games sont localisés, alors qu’ils le méritent amplement ! Ce jeu est fait pour les amateurs de jeu complexes dans les choix (tout en restant simple en exécution) et qui souhaitent faire des parties un peu plus courtes que d’habitude.
La page du jeu sur le site d’Atalia
La fiche du jeu sur le site Board Game Geek