The Artemis Project, c’est le nom du nouveau programme de la NASA de la colonialisation lunaire d’ici à 2024. C’est donc la suite du programme Apollo des années 60 ; dans la mythologie grecque, Artémis étant la sœur d’Apollon, le nom semble logique. Voilà pour le petit aparté lié à l’actualité. Dans notre sujet, nous allons parler de The Artemis Project, mais il ne s’agit pas de ce programme spatial. Alors… s’il est aussi question de conquête lunaire, il va falloir sortir de l’orbite terrestre pour se rendre vers Jupiter ! Et plus précisément, son satellite naturel Europa.
The Artemis Project est un jeu de (dé-)placement de dés dont le but est d’être le joueur à créer la colonie la plus stable et développée sous et sur la glace de la surface hostile d’Europa. Prévu jusqu’à cinq joueurs dès l’âge de 12 ans et possédant un mode solo, cet eurogame nous est proposé par Grand Gamers Guild, petit éditeur nous ayant déjà proposé Endeavor : Age of Sail.
La campagne participative Kickstarter de The Artemis Project a réuni plus de 2’200 contributeurs pour un objectif de campagne atteint à plus de 500% et plus de 23 stretch goals !
Mission dé-placement et colonisation
Dans The Artemis Project, chaque joueur est à la tête d’une équipe de stabilisateurs qui tentent de construire la colonie la plus prospère sur Europa. Vous devez donc récolter diverses ressources sous forme d’énergie et de minerai, construire des bâtiments (dans l’océan afin d’améliorer vos aptitudes et sur la glace pour gagner des points de victoire) et enfin, engager et entraîner des colons qui investiront votre colonie et vous aideront dans les expéditions.
Vous avez donc diverses possibilités de gagner des points de victoire en fonction de la stratégie choisie ! A vous d’être le joueur avec la majorité de points de victoire, que ce soit en ayant récolté le plus de ressources, construit le maximum de bâtiments et placé une majorité d’ouvriers, voire même d’avoir été le plus téméraire dans votre découverte d’Europa grâce aux badges d’expédition gratifiant vos missions d’exploration.
Une partie se constitue de six manches, lesquelles sont divisées en deux phases chacune ; la phase de placement et la phase de résolution. Une manche débute toujours par la révélation d’une carte Evénement qui influencera la phase de résolution en fonction de son emplacement sur le plateau de jeu (marqué par une lettre) et se termine avec une phase « d’entretien » qui sert à préparer le plateau de jeu et celui des joueurs pour la prochaine manche.
Le plateau de jeu est divisé en sept zones, lesquelles correspondent aux emplacements des différentes ressources à récolter et missions à remplir. Au début de chaque manche (et après la révélation de la carte Evénement), les joueurs lancent leurs dés et les placent sur leurs plateaux individuels et à tour de rôle, vont les placer un à un sur les zones qu’ils jugent pertinents à leurs stratégies. Par exemple, la première zone, appelée les Hangars, est celle qui vous permettra de gagner des badges Expédition selon un système d’enchères. Chaque carte Expédition comporte un prix qu’il faudra égaler avec la valeur de ses dés pour gagner les récompenses ; on peut y être seul ou à plusieurs. D’autres zones, comme la deux, trois ou cinq vont vous servir à gagner des ressources et recruter des ouvriers. Vous récoltez le nombre de ressources correspondant à la valeur de votre dé. Mais attention, votre dé sera toujours placé à la droite du précédent, sauf si sa valeur est inférieure. A vous de voir si vous prenez le risque d’en prendre plus à la fois, mais d’être le dernier servi ! Si vous êtes dans l’impossibilité d’obtenir une récompense ou une ressource, il reste toujours la piste de sauvetage qui vous permettra de gagner quelque compensation. Les autres zones vous permettent de construire des bâtiments (le coût en ressources sera correspondant à la valeur du dé) ou d’upgrader vos colons en spécialistes. Lorsque les dés sont placés, nous passons à la phase de résolution. Le marqueur de résolution va indiquer étape par étape ce que les joueurs gagnent et récoltent en fonction de leur placement de dés. Attention : une seule zone sur le plateau (exempte de lettre et de chiffre – donc non-sujette à la carte Evénement) est résolue immédiatement après la pose de dé : c’est la « zone d’intendance », marquée d’un point d’exclamation et qui permet de gagner un token Outil. Ce token est utile pour incrémenter et décrémenter la valeur d’un dé lors de sa pose.
Lorsque vous atteignez la zone consignée par la carte Evénement, vous devez résoudre ce dernier avant de résoudre les dés ; en effet, ces événements influent positivement ou malheureusement négativement sur ce lieu en question. Certains peuvent en effet vous faire perdre des ressources disponibles dans la zone d’intérêt d’autres au contraire peuvent vous donner un coup de pouce pour acquérir des bâtiments par exemple.
Une fois que toutes les zones ont été résolues, il vous faut « entretenir » votre colonie : vous pouvez déplacer/échanger un colon ou spécialiste d’emplacement dans vos constructions, vous activez les capacités liées à vos bâtiments aquatiques s’ils sont complets en personnel, vos colons et spécialistes sont placés dans vos bâtiments et le cas échéant, ils restent dans l’abri (= l’emplacement-tampon sur votre plateau de jeu) et dans ce cas, vous devez payer un cube d’énergie par personnel et enfin, il est temps de préparer le plateau principal : réapprovisionner les zones de ressources (dans la limite autorisée), mettre de nouveaux bâtiments et une nouvelle carte Evénement ainsi que son marqueur dans la zone correspondante. Enfin, c’est le joueur avec le moins de ressources sur son plateau individuel qui détermine le premier joueur pour le prochain tour (il peut évidemment se nominer lui-même). Vous êtes prêts pour la prochaine manche !
Un bel Euro(pa !)-game très réussi
The Artemis Project comporte deux versions : la Kickstarter exclusive et la version retail. Notre rédactrice ayant participé à la campagne, cet article fera référence au matériel de la version KS exclusive, qui sera malheureusement difficile à trouver. Mais la version retail comporte peu de différences et ne change rien au gameplay de ce sympathique et intéressant eurogame.
Tout d’abord, surprise : la boîte est plus petite que ce que l’on pourrait imaginer d’un jeu de cette envergure. Pour comparaison, elle fait la dimension d’un jeu comme, Altiplano, The Manhattan Project ou plus récemment Ragusa. Pas de thermoformage, juste un insert en carton qui pourra vite être retiré, surtout lorsque le « Shakebox » servant à mélanger et distribuer les meeples de colons et spécialistes sera assemblé. Ce Shakebox, en forme de vaisseau, est malheureusement absent de la version retail et a été remplacé par une simple boite estampillée du nom du jeu.
En revanche, le matériel est bluffant de qualité : les tuiles en carton sont épaisses et bien coupées, chaque classe de meeples est différente de même que les ressources sont personnalisées. Par exemple, les tokens Outil sont symbolisés par de petites malles que l’on peut empiler les unes sur les autres ! On aime aussi les tokens de la piste de sauvetage, symbolisés par des petites fusées et les badges Expédition en métal peint. Tout a été pensé dans le détail, jusqu’aux deux figurines en résine qui servent de marqueurs de phase : une petite ambassade coloniale pour marquer l’emplacement de l’événement et un chasse-neige servant de jeton premier joueur mais que nous avons utilisé pour marquer les étapes lors la résolution des zones.
Dans la version retail, les meeples et tokens personnalisés ainsi que les marqueurs de phase seront de simples pièces en bois. Dans un monde ludique où le plastique règne en maître, on appréciera le tout-en-bois de The Project Artemis (hormis les cubes d’énergie qui sont jaunes translucides – mais cela leur donne un côté pépite d’or très esthétique).
L’univers artistique de The Artemis Project nous est offert par Dominik Mayer, un artiste designer allemand qui nous propose ici de magnifiques illustrations épurées et qui reflètent bien l’énergie véhiculée par le jeu. Ici des camaïeux de bleu, blanc, vert viridian ou même de violet évoquant le monde arctique et hostile d’une vie extra-terrestre sont au rendez-vous. Très peu de texte vient gâcher les éléments de jeu ; à vrai dire, seules les cartes Evénements contiennent vraiment du texte. Les tuiles des bâtiments portent le titre des modules mais le reste est marqué par des pictogrammes.
Le thème du jeu est indéniablement une plus-value au gameplay ; en effet la mécanique plutôt simple est renforcée par un thème assez inédit et les illustrations qui l’accompagnent. On se retrouve avec un jeu au gameplay intense dont le fond et la forme sont sans surcharge. C’est simple, efficace et surtout c’est très cohérent.
Les règles de jeu sont très bien écrites, claires et concises ; chaque étape y sont expliquées en détails, sans pourtant que cela devienne lourd et indigeste. De plus, des exemples y sont illustrés en aparté et un résumé du jeu très utile y est en dernière page. Petit bémol concernant l’absence d’une aide de jeu sous forme de carte à distribuer aux joueurs et qui aurait résumé le scoring final. En effet, lors de notre première partie, nous étions contraints de garder le livret de règles à portée de tous les joueurs afin que chacun puisse se référer aux différentes façons de marquer des points. Une fois les règles du jeu acquises, la mise en place et la prise en main demeurent simples et rapides ; cette fluidité vous permettra de vous focaliser sur votre stratégie de jeu !
The Artemis Project mélange plusieurs mécaniques qui s’accordent bien entre elles : de l’enchère, du placement d’ouvriers, de l’engine building pour ne citer qu’elles. En effet, le placement de dés qui déterminera votre gestion des ressources, qui vous permettra de construire des bâtiments et d’y envoyer des spécialistes que vous aurez entrainés ! Sauf si vous préférez jouer les téméraires en partant en expédition, avec le risque de revenir avec juste… un badge honorifique (même si vous avez intérêt à les collectionner, sinon gare aux malus !). La variété des options proposées rajoute une couche de complexité à ce jeu qui pourrait paraître trop simple. Mais que nenni ! De l’adresse ludique et de l’intensité seront au programme. Lors de notre première partie, on s’est demandé pourquoi la jauge des points de victoire ne montait pas aussi rapidement que l’on pensait. Attendez-vous à une courbe d’accélération dès le quatrième tour, à partir du moment où l’on construit les bâtiments en surface de la couche de glace !
Une partie dure entre 60 et 75 minutes, ce qui pourrait sembler court pour un jeu de cet acabit. Mais les tours sont rapides et se succèdent aisément, vous n’aurez pas le temps de vous ennuyer. Le fait de devoir poser un dé à la fois permet de donner un rythme soutenu et intense sans trop de temps d’attente. La rejouabilité est d’autant plus garantie qu’il existe bien plus de cartes Evénements que besoin pour une partie (14 cartes alors qu’il en faut 6) ; les cartes tirées influenceront grandement votre jeu et votre stratégie pour encore plus de variété.
L’interaction entre les joueurs résidera essentiellement dans la course aux emplacements pour les zones et les bâtiments. On aura tendance à contrôler ce que nos adversaires cherchent à acquérir pour les contrer le plus possible. Mettre des bâtons dans les roues, surtout lorsqu’il s’agira d’obtenir des récompenses liées aux Expéditions, sera un excellent moyen d’ajouter de l’interactivité dans une partie !
Si ce jeu se joue jusqu’à cinq, il possède un mode solo très intéressant : votre consortium vous a envoyé en mission de colonisation d’Europa avec deux drones. La mise en place est identique, à l’exception que deux joueurs fantômes (les drônes) vous feront face avec quatre dés et un dé d’une quatrième couleur sera là pour déterminer l’emplacement des dés « drône ». Vous jouerez selon le tour suivant : drône 1 – vous – drône 2 ; les règles de jeu sont sensiblement identiques pour le reste.
Une mini-extension « The Alien Relic » a été offerte lors de la campagne Kickstarer et rajoute des cartes aux Evénements ainsi qu’un dé et offre des capacités supplémentaires aux joueurs. Malheureusement, elle ne sera donc pas dans présente dans les versions retail… Mais il est fort probable que vous pourrez la trouver lors de salons ou conventions, comme goodies !
Prêts à fendre la glace d’Europa ?
La force de The Artemis Project réside dans sa simplicité et sa subtilité ludique et intègre avec brio diverses mécaniques de jeu qui fonctionnent très bien entre elles. Le jeu est très séduisant, notamment grâce à sa qualité de fabrication, son univers artistique (les illustrations sont sublimes !) et sa courbe d’apprentissage extrêmement rapide. Mention spéciale pour le déroulement de la campagne participative qui a été un exemple à suivre en matière de communication et de réactivité ; en effet, le jeu a été livré dans les temps promis, malgré un changement de fabricant impromptu durant la production. L’univers de The Artemis Project a grandement été mis en avant pendant la campagne grâce à une trame narrative imaginée avec soin : un exergue sous forme de journal de bord était toujours présent lors des actualités publiées.
The Artemis Project sera parfait pour initier les novices du genre et réconcilier les réfractaires à l’eurogame. Il semblera en revanche léger pour les habitués des gros placements d’ouvriers. The Artemis Project fait d’ores et déjà partie de ces jeux qui deviendront des classiques ludiques de niveau supérieur qui ravira la majorité des ludistes et il n’en faut pas plus pour nous convaincre d’y rejouer encore et encore.
The Artemis Project est actuellement en cours de livraison aux contributeurs ; il est donc en pré-commande sur leur site internet, le temps que tous les contributeurs reçoivent leur exemplaire et si vous êtes prêts à patienter jusqu’au mois d’octobre, vous pourrez le trouver sur leur stand à Essen.
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La règle du jeu (en anglais)
Une petite partie solo ? (en français)
La fiche du jeu sur Board Game Geek
Le site de l’éditeur Grand Gamers Guild