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Mission Planète Rouge, Allo Houston on a un problème !

par jeudeclick
Publié : Dernière mise à jour le 523 vues 14 minutes de lecture

Trente-cinq jours ! Trente-cinq jours que Garry et moi sommes en stationnement dans cette fichue station orbitale. Déjà que le voyage a duré des mois depuis notre décollage de Cap Canaveral ! Et cela fait plusieurs jours que nous n’avons que des bribes de messages du centre de commandement opérationnel de Houston et que nous attendions en vain nos ordres de mission. Mais le contrôle au sol nous a enfin donné son aval pour un atterrissage sur Phobos. Notre station est en orbite autour de la planète rouge et nous allons maintenant pouvoir fouler le sol d’un de ses deux satellites pour une mission scientifique. Garry m’a déjà aidé à enfiler mon équipement pour une sortie extravéhiculaire. En tant que pilote du module, j’enclenche la mise à feu des moteurs et je pousse les propulseurs au maximum. Après quelques commandes en manuel, le module se détache de la station orbitale et dans un grondement infernal, voilà que nous avançons dans le vide sidéral. Il suffit de quelques heures pour que nous nous retrouvions déjà en phase final au-dessus de la dorsale de Kepler, notre site d’atterrissage. A cette distance de la Terre, impossible d’être aidé par le contrôle au sol ; la distance entre eux et nous est bien trop importante pour que le son nous parvienne en temps réel. Je ne peux donc compter que sur moi-même et sur mes nombreuses heures dans le simulateur pour faire atterrir ce monstre d’acier. Tout vibre terriblement et Garry tente très maladroitement de cacher son inquiétude en me regardant avec son sourire forcé. Je n’ai qu’une vue partielle du site d’atterrissage car la condensation recouvre une partie du hublot central. L’ordinateur de bord m’indique les dernières données et plusieurs voyants se mettent à clignoter. La sueur coule sur mon front mais la manœuvre est bientôt terminée. Il fait très chaud et les moteurs sont encore à pleine puissance. J’enclenche le système de contre-poussée ainsi que les pattes de posée et après quelques dizaines de secondes, dans un fracas indescriptible, notre module s’immobilise brutalement. Plus un bruit, plus un mot. Garry et moi nous nous regardons fixement. On dirait bien que nous nous sommes posés sur Phobos !

Arrivé à destination, on peut maintenant évoquer avec vous Mission Planète Rouge. Un titre sur la thématique martienne édité en 2015, ou plutôt réédité en 2015. Initialement, le titre a connu sa première mise en orbite en 2005 grâce au duo Bruno Faidutti et Bruno Cathala. Dix ans plus tard, Fantasy Flight Games (FFG) propose aux auteurs une nouvelle édition qui sera donc intégralement retravaillée. Un visuel remis au goût du jour, l’apparition de Phobos dans le gameplay et surtout une version pour y jouer à deux. Et c’est justement cette deuxième édition que nous avons plaisir à évoquer avec vous dans cet article.

Une équipe de choc !

A peine mise en lumière, la richesse du sous-sol martien ne laisse pas indifférent les grandes corporations minières. Le Célérium sera sans nul doute le combustible du futur. La Sylvanite va révolutionner l’industrie et plus important encore, on trouve sur Mars suffisamment de glace, et donc d’eau, pour espérer y générer une atmosphère. Dans Mission Planète Rouge, un jeu pour deux à six joueurs pour des parties d’environ une heure, vous prendrez le contrôle d’une compagnie minière. Dans une atmosphère « steampunk », vous enverrez des astronautes vers Mars et Phobos afin d’exploiter le sous-sol et ainsi amasser le plus de points de victoire.

Trois, deux, un, mise à feu !

Une partie de Mission Planète Rouge dure dix tours. Chaque joueur dispose de petites figurines « astronaute » à sa couleur ainsi que de neuf cartes « personnage » (pilote, officier, agent de voyage, exploratrice, femme fatale, agent secret etc.). Il choisira également une carte mission (carte événement) parmi deux, laquelle sera gardée secrète.

Une partie en cours

A chaque tour, les joueurs commencent par choisir secrètement un personnage. Une grande partie des personnages permettent de placer un certain nombre d’astronautes sur les cartes « fusée » qui se trouvent sur les rampes de lancement. Ces fusées, une fois remplies, décolleront vers Mars ou Phobos (si tout se passe bien), pour y emmener leur équipage. Les personnages disposent également de capacités spéciales permettant par exemple de piocher une carte événement ou de détruire une fusée.

L’étape suivante consiste à révéler les cartes personnage dans l’ordre décroissant, en fonction du numéro inscrit sur chaque carte. Le première joueur entame ainsi un décompte à haute voix en annonçant « Neuf, huit, sept, six…). Quand un numéro correspond à une carte jouée, le personnage est révélé par son propriétaire et la capacité spéciale est immédiatement appliquée. Les personnages joués restent devant les joueurs, visibles de tous. Un personnage déjà joué n’est plus disponible aussi longtemps que le joueur ne met pas en jeu son recruteur. Le recruteur permet de reprendre toutes les cartes jouées pour les placer à nouveau dans sa main.

Tour à tour, les joueurs remplissent les fusées et appliquent les différentes capacités spéciales. Lorsqu’une fusée atteint son nombre maximum d’astronautes, elle décolle de la rampe de lancement. Les fusées n’atterrissent pas immédiatement et certaines capacités spéciales des cartes « personnage » permettent de les détruire alors qu’elles sont en route vers leur destination finale.

Quand tous les joueurs ont joués leur personnage et appliqués leurs effets, les fusées en route vers Mars ou Phobos atterrissent. Les astronautes sont déposés sur les régions mentionnées sur les cartes ou sur les token de destination qui seraient éventuellement placés sur les fusées. Sur chaque zone de mars est placé un jeton « ressource » qui est révélé lors de la venue du premier explorateur. Les ressources sont la glace, le Célérium et la Sylvanite, offrant des points de victoire de valeur différente.

Les cartes du jeu

La prochaine étape consiste à piocher aléatoirement une ou des nouvelles fusées pour les placer sur les rampes de lancements qui seraient éventuellement vides. Le premier joueur change et le compte tour est finalement avancé d’une case. Ainsi, le tour se termine.

Trois fois durant le jeu (ces données sont indiquées sur le compte-tour), Mission Planète Rouge impose une phase de production. Le sol génère alors des ressources et on regarde qui est le joueur majoritaire dans chacune des régions de Mars et de Phobos. Ce joueur gagne alors tous les jetons de ressource qui y sont placés. En cas d’égalité, personne ne remporte de ressources et ces dernières seront distribuées lors de la prochaine phase de production.

Les tours de jeu vont donc s’enchaîner jusqu’à la phase finale qui impliquera de révéler les éventuelles cartes « découvertes » et d’établir le décompte de fin de partie. Les cartes de découverte sont des cartes « événements » qui peuvent être piochées durant le jeu grâce aux capacités spéciales de certains personnages.

A noter que Mission Planète Rouge comporte une règle spéciale pour y jouer à deux. Dans cette variante, chacun contrôlera une faction à sa couleur mais également une deuxième faction « neutre ». Cette deuxième faction pourra être utilisée pour gêner la progression de son adversaire. En revanche, si une faction neutre gagne la partie, les deux joueurs perdent. Nous y reviendrons un peu plus bas dans cet article.

La tête dans les étoiles

Forcément, le « premier contact » avec Mission Planète Rouge passe par les visuels réalisés conjointement par Andrew Bosley , Alyn Waine Spiller et Samuel Shimota. Un style « steampunk » travaillé, détaillé et joliment mis en couleur. Les tons vifs de la planète rouge attirent l’œil et sont subtilement utilisés sur tous les composants du jeu. Et puisque l’on évoque les composants, là encore il y a de quoi être satisfait à l’ouverture de la boîte. Plateaux bien épais, cartes toiles et figurines détaillées. Petites figurines ! Cela ne pose aucun souci de déplacer ces petits composants mais si vous souhaitez éventuellement les peindre, alors prévoyez des bonnes lunettes et des pinceaux très fins.

Le pas de tir est en effervescence…

Mission Planète Rouge est un titre familial qui est donc relativement accessible. La règle, sur deux colonnes, tient en cinq pages et se lit aisément. Le jeu se prend en main sans difficulté même par les plus jeunes ou par des astronautes peu aguerris aux jeux de société. L’interaction entre les joueurs est grande, il y a toujours quelque chose à dire ou quelque chose à faire. Les composants du jeu sont régulièrement en mouvement avec des fusées qui décollent, d’autres qui explosent, des astronautes qui foulent le sol martien ou des personnages qui déploient leurs vils effets. On retrouve plusieurs mécaniques intéressantes comme la gestion de son deck, l’anticipation des actions des autres joueurs mais aussi tout le système des majorités, tant sur Mars que sur son satellite Phobos. Chacun pourra également choisir de détruire certaines fusées pour gêner ses adversaires au risque de se pénaliser soi-même pour peu qu’un de ses astronautes se trouve aussi à bord. Il faudra par ailleurs se placer aux bons endroits pour cumuler le plus de points de victoire en fonction des ressources les plus productives. Mais ces stratégies pourront être mises à mal avec les cartes de découvertes qui pourront quelque peu modifier les conditions en fin de partie. Chacun peut alors développer sa propre petite stratégie et pourquoi pas même essayer de bluffer son ou ses adversaires.

Vous l’aurez compris, Mission Planète Rouge permet donc de varier les plaisirs ludiques et les mécanismes de jeu, toujours de manière légère et amusante. La thématique est bien présente et on aurait qu’une envie, c’est d’embarquer à bord !

Mars semble déjà bien peuplée !

Un dernier commentaire sur le mode de jeux à deux. Parfois, certains jeux apportent un « personnage fantôme » ou des « personnages non joueurs » qui peuvent être quelque peu rébarbatifs dans les tours de jeu. Dans Mission Planète Rouge, chacun contrôle effectivement un joueur supplémentaire mais dans le cas présent, ce joueur n’est pas là juste pour le décor. Le joueur secondaire que l’on contrôle peut nous aider dans notre stratégie mais peut également faire perdre les deux joueurs. Là où les auteurs ont été particulièrement malins (bon, en même temps c’est votre job, n’est-ce pas les gars !) c’est que les troisièmes et quatrièmes factions disposent aussi d’un deck de cartes complet et donc de tous leurs effets. On ne place pas simplement des astronautes supplémentaires sur Mars ou Phobos, on prend complètement possession d’un deuxième joueur pour mettre à mal la stratégie de son adversaire. Et ceci, tant avec les effets des cartes qu’avec le placement des figurines. Avec son joueur principal on se concentre sur une stratégie visant à amasser le plus de points de victoires et avec le joueur secondaire, on en développe une autre plus « agressive » à l’encontre de son partenaire de jeu. Et surtout, il s’avère primordial de doser l’ensemble car si un joueur neutre amasse le plus de points de victoire, les deux joueurs perdent ensemble. Et croyez bien que cela arrive, expérience faite ! Certains n’apprécient pas spécialement cette règle deux joueurs mais chez Jeudéclick on a été séduit par ces spécificités qui offrent vraiment de quoi titiller les nerfs de l’équipe adverse.

Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.

Quelques questions à Bruno Cathala, le co-auteur du jeu :

Et pour compléter notre billet, on ne pouvait pas résister à l’envie de poser quelques questions à Bruno Cathala, le co-auteur de Mission Planète Rouge.

Salut Bruno ! Merci de nous accorder un peu de temps pour répondre à nos questions et nous parler de ce joli opus.

Le jeu a connu une première édition en 2005 mais le succès n’a pas été spécialement au rendez-vous. Pourquoi ? Est-ce que le style « steampunk » était trop avant-gardiste ?
C’est difficile à dire. Je ne sais pas trop en fait, car je manque d’éléments pour analyser la chose. Le jeu est sorti à l’époque sans provoquer ni enthousiasme particulier, ni désamour non plus. Il a eu une petite carrière. Une sorte de mini succès d’estime et puis s’en va. Du coup, après le premier tirage, il n’y a pas eu de ré-impression. Et puis, ce qui a été amusant, c’est qu’on avait l’impression que les joueurs l’avaient découvert à retardement. Petit à petit, les notes sont devenues meilleures avec le temps. Au point que FFG nous a proposé de le refaire, sur la demande des joueurs.

D’une manière générale, comment abordes-tu le fait de devoir reprendre ou retravailler un jeu déjà édité ?
C’est en fait assez simple. On se pose essentiellement deux questions: Tout d’abord quel est « l’ADN » du jeu ? Et une fois ces éléments identifiés, quels sont les points que l’on souhaiterait aborder différemment, parce que le temps a passé, parce que nos envies ont évolué, parce que le marché a évolué… Et ensuite je travaille pour donner une âme à l’ensemble.

FFG désirait un mode pour deux joueurs, ce que l’on peut comprendre d’un point de vue commercial. Pourquoi ne pas avoir proposé cette règle sur la première édition ? Est-ce que Mission Planète Rouge n’était pas fait pour cela ?
Nous aussi on désirait un mode deux joueurs. Parce qu’il n’aura échappé à personne que j’aime aussi le deux joueurs. A l’époque, on y avait réfléchi sans trouver la solution. Il faut croire que l’expérience aide !

Sur cette jolie réédition, comment vous êtes-vous répartis le travail avec Bruno Faidutti ?
On a travaillé ensemble, tout simplement. On a échafaudé ensemble les pistes selon la méthodologie évoquée à votre deuxième question. Et ensuite on a construit nos prototypes et testé de nos côtés respectifs, en croisant ensuite les retours pour faire les ajustements nécessaires. Et même, en réalité, on a travaillé à trois. Chez FFG, l’équipe de développement, dirigée par Steve Kimball, a également largement contribué à ce travail de test en nous donnant de précieux retours.

Est-ce que Mission Planète Rouge connaîtra une extension ou est-ce que les « petits hommes verts » devront définitivement se contenter de la boîte de base ?
Le jeu marche bien, tout particulièrement aux USA. Mais je doute que ce soit suffisant pour justifier une extension. En plus, mon sentiment est qu’il est assez complet en l’état.

La fiche du jeu sur Boardgamegeek
Une Tric Trac TV de la partie
Le site de Edge, l’éditeur pour la version française

Rédacteur de l’article : Léo

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