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Glen More 2, whiskey in the Jar

par jeudeclick
Publié : Dernière mise à jour le 392 vues 16 minutes de lecture

En 2010, un ingénieur informaticien allemand œuvrant dans le cadre de l’industrie chimique débaroule aussi joyeusement que nouvellement dans l’univers ludique. Son jeu permet alors aux joueurs de prendre le leadership d’un clan écossais du 17ème siècle pour tenter d’en étendre territoire et richesse. Simple, efficace, addictif. Ce sera un très grand succès ! En 2020, soit 10 ans plus tard, les joueurs s’apprêtent enfin à retourner dans les Highlands. Et en français grâce à Super Meeple ! Et attention, dans ce sujet, on vous en dit également plus sur l’histoire de la région, racontée à la sauce de notre rédacteur !

Son whisky était si extraordinaire que quand il en buvait, il parlait écossais… [Dicton écossais]

Les Highlands (Hautes-Terres) sont une région historique située géographiquement au nord de l’Écosse, séparée par une frontière naturelle de son voisin du sud, les Lowlands (Basses-Terres) bien que les limites exactes ne soient pas clairement définies, en particulier à l’est. La région est très peu peuplée et parsemée de nombreuses chaînes de montagnes dominant la région, comprenant notamment la plus haute montagne des îles britanniques (le Ben Nevis à 1345m). Fait amusant s’il en est, entre le XVe siècle et le milieu du XXe siècle, la région différait de la plupart des basses terres en termes de langue ; la population s’exprimait essentiellement en gaélique d’Ecosse (aujourd’hui, la langue prédominante étant l’anglais « Highland »). Voilà. C’est pour vous, c’est cadeau.

Alors certes, l’Écosse c’est bien évidemment des vaches laineuses (Highland cattle), le whisky, des tartans, des kilts, des cornemuses, des châteaux époustouflants, des paysages incroyables, des clans aux noms top-moumoute, des Lochs et un Ness (pas Eliott, hein ?!), des traditions culinaires étonnantes, William Wallace sans Mel Gibson, Sean Connery et même ce bon vieux Connor McMachin et sa palanquée d’Highlanders. Mais l’Écosse, c’est bien plus que ça… C’est aussi des jeux ! Shotten Totten, Scotland rising, Lords of Scotland, Isle of Skye, Clans of Caledonia et bien évidemment Glen More, la perle ludique de 2010 conçue par Matthias Cramer.

Dans Glen More, les joueurs étaient à la tête d’un clan et devaient gérer le développement d’un village Ecossais du 17e siècle. Le jeu proposait alors une expérience ludique inédite et bigrement addictive. Les règles étaient particulièrement simples et les parties rapides. Un must. Pourtant, bien que faisant globalement l’unanimité auprès des joueurs et des professionnels (il est encore 298e sur BGG à l’heure où nous écrivons ces lignes) et qui plus est distribué par le géant Ravensburger, le jeu ne fut jamais traduit officiellement. Une occasion manquée que les Parisiens de Super Meeple s’apprêtent à rattraper en s’occupant de la localisation de la version actualisée et améliorée du jeu sobrement appelée Glen More II : Chronicles. Pour la petite histoire, le jeu a bénéficié d’une campagne de financement participative entre le 13 mars et le 19 avril 2019, atteignant 553% de son but initial, amassant la bagatelle de 193’850$…

Mais pour remettre la Taverne au centre du village, Glen More II : Chronicles est un jeu de gestion de tuiles et de commerce conçu par Matthias Cramer et illustré magnifiquement par Jason Coates, dont il s’agit ici des premiers pas dans le monde ludique. Prévu pour 2 à 4 joueurs dès 12 ans, pour une durée de partie moyenne de 60 à 120 minutes, il est localisé/distribué par Super Meeple pour une sortie prévue courant janvier 2020.

De quoi est-il donc question dans Glen More 2 : Chronicles ?

Dans cette nouvelle mouture, Matthias Cramer a voulu briser tous les codes ! Un vrai ouf ! Intenable le Cramer ! Les joueurs incarnent des Moutons organisés en clans qui tentent de se soulever fasse à l’oppresseur écossais qui ne voit en lui qu’un bon gros Haggis sur patte. La substantifique moelle du jeu consiste évidemment à monter efficacement son armée de mouton, à les entraîner efficacement pour ensuite lancer des attaques furtives, afin d’éliminer les différents chefs de clans à grand coup de cornemuse sur la tronche…

C’est topissime ! Ou pas ! Vous l’aurez compris, ce n’est évidemment pas cela du tout, bien que cette version aurait probablement mérité que l’on s’y attarde un tantinet ! Bon, on laisse notre concept de côté…

À l’instar de son illustre prédécesseur, chaque joueur va se glisser dans le kilt d’un chef de clan écossais (basé dans les Highlands) depuis les premiers temps  jusqu’au 19ème siècle, cherchant à étendre son territoire et ses richesses. La réussite du clan dépendra de la capacité des joueurs à prendre les bonnes décisions au bon moment parmi un large panel d’actions telles que cultiver de l’orge pour la production de whisky, acheter et vendre des marchandises sur le marché, forger des alliances avec d’autres clans des Highlands ou même, prendre le contrôle de lieux emblématiques comme les fameux lochs et les châteaux. Glen More étant une course aux points de victoire, c’est évidemment le clan qui en aura obtenu le plus grand nombre, qui entrera dans l’Histoire avec un grand « H ».

L’histoire des Highlands en 5 minutes top-chrono…

Nous sommes au 17e siècle. Le Great Glen (aussi appelé Glen Albyn ou Glen More) désigne une série de vallées qui s’étendent sur une centaine de kilomètres bien tassé, occupées de manière disparate par la principale unité sociale des Highlands : les clans. Chaque clan est ainsi en théorie le regroupement des membres d’une famille, descendant tous d’un ancêtre commun, et reconnaissant par la même occasion l’autorité patriarcale d’un chef de clan. On dénombre alors 7 familles principales dans les Highlands, tous plus virulentes les unes que les autres. Les rois écossais considéraient d’ailleurs les clans comme de pénibles pièces de lego éparpillées dans une chambre de nuit : un vrai défi à leur autorité (en restant poli…). Il faut quand même souligner que les Highlands étaient souvent considérés comme un no-mans land. Un Far West version Scones et Kilt. Mais tout va changer en 1603 grâce à la fameuse « Union des Couronnes » ! (Et non, il ne s’agit pas d’un colloque de dentistes) Jacques VI Stuart, Roi d’Écosse accède au trône d’Angleterre réunissant enfin les 2 pays, l’Écosse en l’Angleterre, sous un seul monarque. L’annexion au trône confère désormais au Monarque la Force militaire suffisante pour soutenir toute tentative de contrôle de la part des chefs de clan. Ce qui en gaélique ancien, donnerait quelque chose comme « Vous l’ouvrez, on vous tatane ! ». La dynastie des Stuart est alors aux commandes de l’Angleterre, de l’Écosse et de l’Irlande et va joyeusement jongler avec la couronne avec plus ou moins de succès au cours des 80 années qui vont suivre, à une vache laineuse écossaise près, avec les règnes de Charles I, Charles II et… Charles III ? Perdu ! Jacques VII. Mais les choses vont très vite commencer à se gâter.

Jacques VII est en effet loin, mais très loin de faire l’unanimité à l’applaudimètre. Son catholicisme, sa politique pro-française, son brushing (ou pas) et ses ambitions absolutistes le rendent très impopulaire auprès de l’élite religieuse et de l’aristocratie anglaise. Quitte à garder un système royaliste, autant s’assurer que l’occupant du poste soit formaté sous le bon label spirituel AOC. Si un héritier devait pointer le bout de son nez, le catholicisme s’installerait alors durablement sur le trône. Inconcevable ! Ces derniers font alors appel au protestant Guillaume III d’Orange (accessoirement le neveu de Jacques VII, suivez un peu, boudiou !) qui pas intéressé du tout, s’empresse de débarouler en Grande-Bretagne à la tête d’un petit groupe de 25’000 touristes Néerlandais armés jusqu’aux dents. Autant dire que ça sent sec le sapin pour notre bon vieux Jacques VII qui se voit dès lors contraint de fuir en France.

En 1688, la nouvelle se répand : « Le roi a été bouté : c’est l’heure de goûter ! ». (Consensuellement appelé par les historiens, la « Glorieuse Révolution ». Ou bêtement coup d’État). En 1689, un Parlement est réuni et à la demande de ce bon vieux Guillaume, toujours aussi désintéressé, afin de débattre du scénario du prochain épisode : the Rise of Skyw… Euh… Guillaume. Il n’en faut pas beaucoup plus à ces derniers pour s’accorder sur le fait que la fuite du Roi moisi équivaut clairement à une abdication, à l’instar du fameux proverbe écossais : « Qui va à la chasse, perd sa place ! ». Après quelques tergiversations qui verront notamment certains nobles disparaître du panorama pour un congé à très long terme, il est décidé d’accorder la couronne à la fille aînée du duc d’York, Marie II (le retour) et évidemment accessoirement à son époux. Un époux qui n’est autre que Guillaume III. Oui, il s’agit bien de notre bon vieil opportuniste Guillaume III totalement désintéressé. Évidemment, ce passage de pouvoir n’est pas sans créer quelques heurts, globalement en Écosse où les Royalistes, aussi appelés Jacobin, sont en pleine préparation d’une fête du slip carabinée qui leur permettra d’exprimer leur très léger mécontentement. Ainsi, les tensions vont s’accentuer graduellement jusqu’à atteindre leur paroxysme avec les premiers soulèvements.

La Minute didactique

Le « jacobitisme » est un mouvement politique composé de personnes soutenant la dynastie détrônée des Stuarts. Ces derniers considéraient comme usurpateurs toutes les autres têtes couronnées britanniques de cette période. Le terme de Jacobin prend donc sa source dans le prénom du dernier régent de la dynastie : à savoir, Jacques VII

Respectueux de la 3ème loi de Newton, connu sous le nom de Principe d’action-réaction, le gouvernement britannique réagit immédiatement aux soulèvements en réprimant très sévèrement l’Écosse. Une série de lois est promulguée pour tenter de supprimer une fois pour tout le système des clans en interdisant notamment aux Scotts de porter des armes et le tartan tout en imposant de surcroit des restrictions drastiques sur les activités de l’Église épiscopale écossaise, bien trop funky à leur goût. Les chefs de clan sont alors invités à se considérer désormais comme propriétaires des terres qu’ils contrôlent, jusqu’alors considérées comme bien commun du clan. Ce changement fondamental déclenchera les « Highland Clearances » (évacuations des Hautes-Terres) ou diaspora écossaise massive et forcée. Avec l’émigration mastoc et la disparition graduelle de la menace jacobite, la majeure partie de ces lois seront abrogées à la fin du XVIIIe siècle et la culture des Highlands à nouveau réhabilitée. En grande partie abandonnée par les gens ordinaires de la région, kilt et tartan seront finalement adoptés dans les années 1820 par les membres de l’élite sociale Écossaise et définitivement adoptés pour les régiments des Highlands de l’armée britannique…

Voilà. Vous savez tout. Ou presque.

Le vieux MacDonald a une Ferme, IaaaIaaa-oooooo…

Comme précisé tantôt, Glen More II : Chronicles n’est pas vraiment la suite de Glen More. Il s’agit ici d’une version réactualisée, modifiée et bien évidemment améliorée. Cette nouvelle mouture compose avec une poignée de changements plus ou moins importants. À commencer par le nombre de joueurs, qui passent de 2 à 5 de l’original pour 2 à 4 dans cette nouvelle mouture. Un nouveau plateau de clan annexe vient s’ajouter au Rondel initial (plateau principal) permettant de gérer des personnages et donnant accès à des avantages particuliers. Des lieux emblématiques font leur apparition, pouvant être activés tout au long de la partie et permettant également de profiter d’un type d’effet spécifique. Pour finir, comme le nom même du jeu l’indique, 8 « chroniques » (sorte d’extensions cumulables) sont proposées, pouvant être ajoutées et combinées en sus du jeu de base ; ce qui permet d’insuffler un peu de piment au jeu et de varier drastiquement les plaisirs tout en étendant exponentiellement sa rejouabilité.

Techniquement parlant, si l’on regarde tout ça d’un tout petit peu plus près, une partie se déroulera en 4 manches. Le plateau principal appelé « Rondel » est composé d’une piste vide permettra d’accueillir une certaine quantité de tuiles mises en jeu ainsi que 4 piles/pioches qui permettront notamment de déclencher les fins de manche. La première manche prendra par exemple fin lorsque la dernière Tuile de la pile A sera posée sur le Rondel et ainsi de suite. Chaque fin de manche déclenchera une phase de décompte : ce qui permettra évidemment aux joueurs de faire le point sur les progrès de chacun.

À l’instar d’un Tokaido, il n’y a pas vraiment d’ordre de jeu. Le joueur dont le Pion est en dernière position sur le Rondel deviendra systématiquement le joueur actif. Ce dernier pourra avancer son pion aussi loin qu’il lui est possible, sa décision étant bêtement motivée par le choix de la tuile qu’il souhaitera récupérer. Ainsi, selon les situations, un joueur sera en mesure de jouer plusieurs fois de suite, se trouvant systématiquement en dernière position.

La suite des opérations coulera pour ainsi dire presque de source. Une fois le pion déposé sur la tuile désirée et le coût de la tuile payé, le joueur pourra la récupérer pour la placer dans son village. Ce placement lui permettra d’appliquer le pouvoir de ladite tuile ainsi que des tuiles adjacentes. Il suffira alors de compléter le Rondel du nombre de tuile nécessaire avant de passer aux joueurs suivants et ainsi de suite.

Des tuiles personnage permettront aux joueurs de pactiser avec d’autres clans et de bénéficier de bonus spécifiques en usant du plateau de clan. En effet, alors que les tuiles de village viendront se greffer au village de chaque joueur, les tuiles personnage permettront, quant à elles, d’obtenir des avantages intéressants, moyennant évidemment un coût.

Le Rondel disposera également d’une zone en son centre appelé « Le marché » qui fonctionnera de manière aussi simplissime qu’intelligente. 5 ressources (Boeuf, Mouton, Pierre, Bois et Orge) seront disponibles à un coût de 1, 2 et 3 pièces. À n’importe quel moment de son tour, un joueur pourra acquérir des ressources au Marché, si ces dernières sont encore disponibles. Sous-entendu, un joueur payera toujours le prix le plus bas encore affiché pour ladite ressource. Il lui suffira pour ce faire de déposer la ou les pièces sur le montant correspondant. Le fait d’avoir les 3 montants recouvert par des pièces signifiera simplement que toutes les ressources concernées du marché ont été vendues et qu’aucune ressource du type concerné n’est du coup disponible à l’acquisition. Noter qu’il ne sera pas possible de stocker des ressources ; une ressource acquise est forcément une ressource à utiliser.

Mais les joueurs pourront également vendre des ressources plus ou moins de la même manière. Pour ce faire, il leur suffira de déposer dans la réserve la ressource mise en vente tout en récupérant la somme de pièces la plus importante à disposition sur le Rondel pour ladite ressource (libérant par la même occasion un espace pour un achat éventuel d’un autre joueur… et ainsi de suite).

Un décompte final viendra clore la partie une fois que le dernier joueur aura déplacé son Pion sur la Tuile « finale ». C’est là qu’une petite subtilité de taille viendra bouleverser le score final. Une fois le décompte usuel effectué, on comparera le territoire de chaque joueur avec celui du joueur au plus petit territoire pour en calculer la différence. Chaque joueur perdra alors 3 points de victoire par tuile de différence avec le plus petit territoire. Il s’agira donc pour les joueurs de rester bien attentif quant à la taille des territoires des adversaires tout au long de la partie.

Chacun est un lion pour sa propre cause ! [Proverbe écossais]

Au même titre qu’un bon Lagavullin de 10 ans d’âge, cette nouvelle mouture de Glen More semble s’être bonifiée dans son fût en chêne tout au long de ces années, dans l’attente d’être servie sec dans vos chaumières. L’ensemble des éléments qui avaient fait le succès de son illustre prédécesseur sont évidemment présents dans cette édition revisitée, mais les changements et ajouts opérés semblent être particulièrement judicieux.

En proposant des lieux emblématiques, des personnages et globalement un nouveau plateau de clan, Glen More gagne un peu plus en profondeur tout en restant finalement assez simple à expliquer et à jouer. Les chroniques-extensions permettent de proposer des challenges à gogo pour les joueurs les plus motivés/acharnés et la quantité de combinaisons possibles est juste gargantuesque. Bien que l’auteur ait fortement suggéré de se contenter d’ajouter 2 chroniques maximum en parallèle sous peine de créer un monstre de complexité… Qui plus est, il serait tout à fait envisageable pour l’éditeur d’exploiter le crédo par la suite en proposant des chroniques supplémentaires.

Pour ce qui est de la qualité du matériel, le doute n’est pas vraiment permis. Quand on connait le soin que Super Meeple apporte habituellement au matériel de ses jeux, on ne peut que sereinement envisager l’avenir, même si ce n’est pas l’éditeur principal du jeu.

Quoiqu’il en soit, en ce qui concerne le Clan des MacDeClick, il nous tarde de découvrir cette nouvelle édition ! Le temps finalement de se mettre d’accord au sein de la Rédaction quant aux couleurs de nos tartans respectifs. Mais bon, nous avons encore quelques single Malt à disposition pour nous aider à statuer. Slàinte mhath !

Rédacteur de l’article : Patrick

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