L’Organisation… pour vous c’est un rêve, un absolu. Vous avez monté les échelons puis vous les avez sciés. Vous pensiez avoir atteint le dernier barreau. Un autre s’offre à vous, l’ultime, l’inédit : la tête de l’Organisation. Elle est a portée de carte. Pour l’atteindre, il vous faudra faire ce en quoi vous excellez : gagner à un jeu dont vous êtes le maître, l’auteur et le falsificateur. Tout comme vos adversaires, les 4 autres plus grands clans mafieux du monde. Et l’enjeu est là ; chaque famille aura deux mois pour réunir le plus d’argent blanchi possible. Au terme de ces huit semaines, le clan le plus riche prendra la tête de l’Organisation… Peut-être alors, aurez-vous l’audace de prononcer ces mots mythiques : « Ayant précisé cela, je jure sur l’âme de mes petits-enfants que je ne romprai jamais la paix que nous venons de conclure ». Une paix, un pacte, visant à unir les forces mafieuses mondiales pour lutter contre une société globalisée et ultra-sécuritaire qui commence à nuire fortement à vos intérêts respectifs.
Gansgter Paradise, c’est un jeu de gestion et d’enchères très malin. 3 à 5 joueurs vont rançonner, acheter, revendre, recruter et blanchir, sans soucis de moralité… ça détend !
L’opus est le fruit d’un long travail de développement de la jeune maison d’édition montpelliéraine Lud’Act, fondée par les 2 auteurs du jeu, Olivier Talbot et Christophe Antonietti. Un duo d’auteurs/éditeurs qui a courageusement produit Gangster Paradise sur leurs fonds propres suite à une campagne Kickstarter non aboutie en mars 2018.
Petit cours de blanchiment accéléré
La tête de l’Organisation se joue en huit tours. Huit semaines pendant lesquelles vous devrez blanchir, car au terme de ces deux mois, le joueur possédant le plus de billets blancs (argent blanchi) sera déclaré vainqueur. Pré requis important, à tout moment du jeu, en respectant le code d’honneur du gangster, vous pourrez échanger tout ou presque avec un autre joueur. La négociation est au cœur du jeu.
Un tour de jeu commence par la phase de livraison durant laquelle chaque joueur va récupérer des cartes marchandises en fonction du nombre de soldats recrutés. Ce sont ces soldats qui vous livrent les marchandises (principales et secondaires) dont votre clan s’en est fait la spécialité. Évidement nous ne parlons pas de sachets de thé ou autre articles de sport. Pour pouvoir recruter et maximiser votre business, il vous faudra diversifier vos possessions. C’est la phase 2 qui vous le permettra en vous donnant accès au marché noir. Dans ce lieu obscur, chaque joueur va enchérir de l’argent sale (billets rouges) ou propre (billets blancs) pour tenter d’obtenir des cartes marchandises qu’il ne « produit » pas lui-même.
Ainsi fournis, vous allez pouvoir, en phases 3 et 4, revendre vos marchandises contre de l’argent sale en respectant des combinaisons de cartes imposées pour optimiser vos transactions. Puis vous pourrez utiliser cet argent malhonnêtement gagné pour recruter ou promouvoir des personnages de votre clan (cartes figurants des soldats, commerçants, capitaines, bras droit, boss, exécutants) qui vous permettront notamment de faciliter les actions de livraison et de blanchiment. Justement, le changement de couleur des billets, c’est en fin de tour. Vous pourrez blanchir (au taux de 2 contre 1) plus ou moins d’argent sale en fonction des capacités de l’équipe que vous aurez recrutée. Avant de passer au tour suivant, vous devrez, avec cet argent propre, payer les salaires de toute votre équipe.
Les armes ignorent la lassitude… les joueurs aussi !
Le matos, c’est pas de la contrebande ! Carton épais et rigide supportant les illustrations saisissantes de Mélissa Delteil. À l’image du plateau individuel de chacune des 5 familles, on comprend immédiatement que la conception et la production ont bénéficié d’une attention particulière. Sans doute retrouvons-nous ici l’énergie inhérente à la publication d’un premier jeu. Détail qui fait une différence, le boîtage en carton fait office de banque ! Très pratique, avec un espace pour les 8 types de jetons billets. Attention à bien stocker la boîte à plat !
Dès la mise en place, nous sommes dans la peau d’un Vito Corleone ou d’une O-ren Ishii. Les jetons-billets tournant entre nos doigts, les yeux sur la banque, nous rêvons de recouvrir les ombres de nos plateaux individuels par Leonardo, Youri ou Ichiro.
Claires et aérées, les 8 pages de règles sont très agréables à lire et la recherche d’un point de règle spécifique se fait aisément.
La mise en place est tout aussi rapide, et c’est salvateur, car quand le billet tombe d’avoir trop tourné, nous reprenons nos esprits et nous n’avons qu’une hâte : démarrer les négociations.
Et de négociation, vous n’en manquerez pas en jouant à Gangster Paradise. Dans le livret de règles, elle est traitée comme un « Art » « constituant l’essence même du jeu ». Et nous admettons volontiers la réalité de cette affirmation. Pour atteindre la tête de l’Organisation, il vous faudra engager une équipe efficace, qu’elle soit spécialisée ou diversifiée. Pour recruter et payer les salaires de ces capitaines ou autres commerçants, il vous faudra gagner puis blanchir de l’argent, et ce avant même de songer à vous enrichir ! Il est donc question de gestion et de placement d’ouvriers, même si ces ouvriers sont armés et qu’ils sont en carton… plutôt qu’en bois !
L’huile de cette mécanique gestionnaire, c’est l’argent, qu’il soit blanc ou rouge. Pour obtenir cette huile, il vous faut des marchandises à vendre en combinaisons. C’est un mécanisme d’enchères qui se met alors en route, et les auteurs ont tout fait pour rendre cette étape intense et originale. A ce moment clé du jeu, l’interaction est totale. Les raisons ?
D’abord, chaque famille ne « produit », au début du jeu, qu’un type de marchandise et ne pourra se diversifier avec une production secondaire que plus tard, en recrutant son bras droit. Chaque combo de production devant être différent d’un joueur à l’autre, tenter de gérer son business tranquille dans son coin est donc complètement exclu ! Il vous faudra nécessairement enchérir (avec ou sans bluff) pour obtenir les marchandises manquantes au marché noir. Et dans ce lieu sensible, à chaque tour, un joueur repartira sans matériel.
Ensuite, et en contre-pied de nombreux jeux, les enchères sont ouvertes. Chaque négociateur connaît avec exactitude les marchandises possédées par ses concurrents. Quand il échange une marchandise, il sait donc parfaitement ce que son homologue peut en faire. Les coups dans le dos ne viendront pas d’ici, et ce code d’honneur motive à entrer dans le jeu de l’enchère et de la négociation.
Vos huit semaines passeront approximativement en 1h30. 1h30 à jouer en quasi simultané car ce sont bien les enchères et les négociations qui constituent le corps du jeu. Un corps bien huilé… avec une pincée de sel ! Des grains de sels nommés : incendiaire, kidnappeur, délateur, banquier ou encore informateur. Ces personnages de l’ombre recrutés en parallèle aux membres de l’équipe apportent de la surprise et accentuent encore la rejouabilité que la forte interaction crée naturellement. Les coups dans le dos, ce sont eux !
Même avec un peu de sel, les enchères à deux… c’est heu… limité, et c’est très courageusement que les auteurs/éditeurs n’ont pas corrompu leur jeu en imposant le chiffre 2 sur la boîte. La version solo ? Coulée dans le béton !
Si vous aimez l’huile et le sel, la vodka, le saké ou la grappa, Tarentino et Coppola. Et si comme nous vous êtes séduits par le cocktail interactif composé de gestion et de négociation, Gangster Paradise vous fait une offre que vous ne pourrez pas refuser !
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La fiche du jeu sur le site de l’éditeur Lud’Act
La règle du jeu en français