Des bruits de métaux. On tape, on cogne, on façonne. Dans l’atelier du forgeron la chaleur devient insupportable. Les fours fonctionnent à pleine puissance et les hommes suent sang et eau pour terminer les dernières pièces. Les marteaux sont usés par les coups incessants qui battent fortement les métaux rougeoyants. Et les artisans, fatigués par leur dur labeur. Mais au dehors, les charrettes de transport se sont déjà garées devant le petit atelier. Les chevaux trépignent et piaffent d’impatience. Il faut dire que le chantier du nouvel hôtel de ville est pratiquement terminé. Il ne manque plus que l’inauguration de ce bâtiment et notre nouveau village sera définitivement reconstruit. Après huit années de travail et vingt-trois corps de métiers différents, nous arrivons enfin au terme de chantier titanesque. Quelle fierté !
Hey compagnons ! Est-ce que le jeu « Villagers » vous dit quelque chose ? Retour en juin 2018 sur la célèbre plateforme Kickstarter pour le financement participatif d’un petit jeu de cartes que personne n’avait vu arriver. Un look frais et coloré, des cartes, et la promesse de rebâtir des communautés après une terrible peste noire. Le moins que l’on puisse dire c’est que Villagers en aura conquis plus d’un puisque le projet aura rassemblé plus de 14’000 contributeurs ! Un vrai succès pour l’éditeur Sinister Fish Games. Mais voilà, il y avait un hic ! Pas de version francophone… Mais heureusement, sous nos latitudes, l’éditeur Gigamic a eu la bonne idée de corriger le tir avec la localisation du jeu en français. Et c’est ainsi que rebaptisé « Compagnons », le jeu est à présent disponible dans toutes les bonnes boutiques.
Aux commandes de cet opus, on retrouve Haakon Gaarder, un auteur norvégien qui signe ainsi son premier jeu de société. Et ce touche à tout ne s’arrête pas là puisqu’il signe également la réalisation de tout l’univers graphique de Compagnons. 1 à 5 joueurs pourront pratiquer le jeu, pour des parties d’environ 45 minutes, accessibles à partir de douze ans. Sans doute moins selon notre avis.
Mais finalement, de quoi sera-t’il question dans Compagnons ? On vous le disait, la peste a fait des ravages et il vous faut reconstruire votre communauté. Uniquement basé sur des cartes, Compagnons vous lance dans des parties compétitives durant lesquelles les joueurs recrutent des artisans pour reconstruire leur village et ainsi prospérer. Mais ces nouveaux villageois devront être rassemblés pour former des chaînes de travailleurs, toujours plus qualifiés. Production, ressources, interaction… Compagnons en a tellement sous le coude !
Mais avant de vous emmener avec nous dans notre petit village, on regarde immédiatement le contenu d’une boîte de Compagnons grâce à notre capsule vidéo tournée en accéléré.
Y’a Koi Dedans ?
Charron, faneur, tonnelier, porcher… et les autres !
Dans votre village, la peste a fait des ravages et il faut tout reconstruire. Le but du jeu consiste à recruter des villageois, ainsi que leurs compétences, de faire travailler ensemble tout ce petit monde, et de gagner des pièces d’or. A la fin du jeu, le joueur le plus riche remporte la partie.
Le jeu se déroule en plusieurs phases. Pour débuter, les joueurs doivent recruter à tour de rôle, des villageois parmi les six cartes visibles au centre de la table. Ainsi, chacun récupère un nombre défini de villageois en fonction de la nourriture présente dans son village. Quand tout le monde a récupéré ses nouveaux compagnons, il est possible pour les joueurs de conserver certaines cartes pour la manche suivante puis les cartes du centre de la table sont renouvelées. Elles sont renouvelées en piochant de nouvelles dans l’une des six pioches centrales.
S’ensuit la phase de placement. Les cartes qui viennent d’être récupérées sont ajoutées à la main de chaque joueur et aux éventuelles cartes déjà en sa possession. A présent, chaque joueur doit placer un nombre défini de villageois dans sa communauté. Le jeu va impliquer d’effectuer des chaînes de poses en fonction des corps de métiers. Mais bien sûr, avec des contraintes. Chaque carte définit sur laquelle elle peut être posée et quelle pourra être la suivante. Par exemple, un bûcheron pourra « évoluer » en un charron, et un charron en un charretier. Chaque carte proposant alors davantage de récompenses; en or, en nourriture, en habituation etc. A noter que les compétences de bon nombre de villageois doivent être « déverrouillées » par d’autres compagnons déjà présents dans votre village. Si ce n’est pas le cas, vous devrez payer de l’or à la banque pour poser vos nouveaux villageois.
Deux fois durant la partie, surviennent des phases de marché. Chaque joueur récupère alors des pièces d’or en fonction des effets des cartes présentes dans leur village respectif.
Et les tours s’enchaînent ainsi jusqu’à ce que les six pioches du centre de la table soient épuisées. Au final, le plus riche l’emporte.
La fierté de toute une Communauté
On va être franc avec vous, ces quelques petits personnages colorés, sur le fond blanc de la boîte de jeu, nous ont terriblement attirés. On le dit souvent mais le premier contact avec un jeu passe par les yeux. A l’intérieur, on retrouve un important deck de 175 cartes, des pièces de monnaie en carton et un livret de règles. Rien de plus ! Une production correcte pour laquelle on aurait quand même tendance à vous suggérer de rapidement protéger vos cartes de jeu. Des cartes blanches, cela ne reste pas longtemps immaculé et ces dernières sont énormément manipulées durant la partie.
Visuellement, on retrouve sur chaque carte, de petits dessins colorés et particulièrement bien réalisés. L’ensemble est vraiment frais et très épuré. Même les fines typographies concordent parfaitement avec les illustrations. On rajoute encore de sobres et efficaces pictogrammes… Ça y est, de notre point de vue on a là un magnifique rendu qui nous a enchantés. C’est de toute beauté et cette originalité nous plaît beaucoup !
Au niveau de la thématique, point d’originalité il est vrai. Les constructions de villes, villages et autres communautés, c’est quand même du connu. Cependant, il faut bien reconnaître que le système de jeu colle parfaitement à la thématique. Et si on rajoute ces jolis visuels, Compagnons demeure un jeu tout à fait cohérent, sans impression de déjà vu. Et petite parenthèse concernant l’originalité… vous comme nous, serez sans doute amusé de découvrir quelques professions plutôt « particulières » et mêmes parfois oubliées. Jolie originalité sur les cartes de jeu !
A l’intérieur de la boîte de jeu, arrêtons-nous à présent sur le document des règles. Un feuillet plutôt touffu de 28 pages; certes sur un petit format, mais quand même. Beaucoup d’illustrations et de schémas. Il y a sans doute eu une envie de bien faire mais on se demande pourquoi le jeu est expliqué de façon si complexe. D’autant plus que finalement, le fonctionnement s’avère plutôt simple avec une excellente prise en main. Cela étant, une fois que la règle a été mise en application, le jeu est plutôt intuitif et les joueurs peuvent rapidement prendre leurs marques. Ouf, tout est bien qui commence bien !
Le set up du jeu nous a plu par sa rapidité. Comptez deux ou trois minutes, le temps de mettre en place les pioches, brasser, distribuer les cartes et c’est parti ! Pas besoin d’une partie d’initiation; on comprend immédiatement les mécanismes et où le jeu va nous emmener.
Pour le gameplay, rien de bien compliqué mais avec des mécanismes qui concordent extrêmement bien. Ainsi, on retrouve une importante gestion de main. Le choix des cartes se veut primordial et on essaie d’optimiser notre sélection. Tout comme chacun aura à cœur de saisir les opportunités qui s’offrent à lui. Car oui, Compagnons est aussi un jeu d’opportunités. Sur le chemin, là où les cartes sont disponibles au centre de la table, il ne faudra pas laisser passer sa chance. Surtout que le petit twist consistant à sauvegarder des cartes pour la prochaine manche, est vraiment très bien pensé. D’autant si on prend encore en compte l’ordre du prochain tour. Au delà de ces premiers mécanismes, on retrouve encore de l’enchaînement, des combos, et une certaine forme de placement dans la construction de notre village. Sans oublier les prises de risques. D’ailleurs, on a bien aimé cet aspect avec parfois de terribles décisions qu’il faut prendre. En effet, on peut avoir la possibilité de recruter des compagnons offrant beaucoup d’or mais sans savoir si les cartes intermédiaires nous seront accessibles. Ce qui nous amène finalement à évoquer aussi le facteur chance, qui est présent dans Compagnons. On le retrouve avec la main de départ, la mise en place du jeu et le tirage des cartes en cour de partie. Mais cela ne veut pas dire qu’on subit le jeu ou que la victoire repose sur la chance. Non ! Il faut en tout temps savoir s’adapter et pour cela, le jeu offre de très larges opportunités. C’est véritablement plaisant.
Avec les tours de jeu, on retrouve une bonne dynamique, surtout dans la première phase pendant laquelle les joueurs enchaînent leurs actions chacun leur tour. Pour la phase de placement, il faudra bien sûr patienter que chacun pose ses différents compagnons. A cinq joueurs, il pourra y avoir un peu d’attente mais rien de trop long on vous rassure. Surtout qu’il faudra rester attentif car même quand les autres joueurs effectuent leurs placements, vous pouvez récolter de précieuses pièces d’or.
S’il y a bien un point qui a été particulièrement développé et qui nous a également beaucoup plu, c’est bien la rejouabilité de Compagnons. Le deck de cartes est en effet très conséquent et grâce au brassage des cartes à chaque partie, on ne se retrouve jamais deux fois dans la même configuration. Ainsi, même si le système de jeu reste linéaire d’une partie à l’autre, on se retrouve toujours avec des sensations bien différentes. Parfois il y a des grandes réussites ou de petites victoires. Ou de cuisantes défaites ! C’est évident.
Dans Compagnons, chacun construit son petit « tableau ». Chacun optimise son jeu et effectue ses actions. Certes tout cela se passe devant soi mais ce n’est pas pour autant que le jeu manque d’intérêt. C’est bien connu, dans un village, on aime être chez soi mais on apprécie aussi de papoter sur la place du marché ! Et justement, l’opus permet ce juste milieu avec une sympathique interaction, bien dosée, qui se concrétise avec le partage de certaines cartes, les pièces d’or à payer en cours de partie ou les actions à effectuer en commun. Rien d’hyper-interactif, mais la sensation de partager la partie a été belle et bien présente.
Vous l’aurez compris, c’est une jolie découverte pour nous que cette petite boîte de Compagnons. On garde en bouche la saveur d’un jeu frais, convivial et offrant de belles possibilités. Un gameplay travaillé et qui tourne particulièrement bien. On ne s’est pas ennuyé une seule seconde lors de nos différentes parties et c’est à chaque fois un plaisir de composer avec les opportunités que le jeu nous propose. La réflexion est bien présente mais sans jamais faire mal à la tête. Et cela, c’est plutôt agréable. Un dernier mot encore sur les petites illustrations bien sympa qui viennent agrémenter l’ensemble, tout le long de la partie. C’était un vrai parti pris que de jouer la carte de la sobriété, mais pour nous, le défi est relevé haut la main.
L’opus devrait être pour nous notre compagnon ludique de cet été 2019. Mais aucun doute sur le fait que le jeu pourra s’inscrire également dans la durée, tellement il propose un ensemble facile à mettre en place, facile à maîtriser et agréable à jouer. C’est vraiment du tout bon !
A noter que des extensions existent pour Compagnons en version anglaise. Hey Gigamic, vous ne pouvez pas ne pas nous en faire profiter en français ! On est bien d’accord ?
Madame la Comtesse s’empare du mode solo
Intéressons-nous encore au mode solo de Compagnons. Dans cette configuration, peu de choses diffèrent de la version multi-joueurs. En solo, vous vous livrez à un duel avec la Comtesse. Ce personnage non joueur va simuler un adversaire qui va également recruter des compagnons et marquer des points en or. Sauf que les compagnons, vous allez les recruter pour elle ! En effet, aussi étonnant que cela puisse être, vous choisirez les cartes – et donc les points de victoire – que vous attribuerez à votre adversaire. Parfois vous pourrez donc assigner des cartes totalement inutiles à son jeu mais parfois, vous devrez aussi attribuer beaucoup de points. La vie est cruelle !
La Comtesse va également recruter à chaque tour une carte piochée au hasard.
Et vous vous en doutez, il pourra y avoir beaucoup de points de victoire à la clé. Ainsi, cela va indéniablement booster votre partie et vous mettre la pression. On a adoré cela; ce coup d’adrénaline est juste génial ! En revanche, en raison du tirage des cartes, vous pourriez parfois vous retrouver avec des parties déséquilibrées, dans lesquelles votre adversaire prend une sérieuse avance. On ne va pas vous donner la solution mais sachez qu’il existe un parade pour essayer de vous en sortir; pensez simplement aux différentes pioches qui peuvent être réapprovisionnés en cours de jeu par quelques cartes défaussées…
La partie en solo implique également un nouveau deck de cartes d’évènements. Et selon que vous aurez plus au moins de malchance, vous pouvez devoir résoudre jusqu’à trois événements dans le même tour de jeu. Sachant que les événements vont principalement avantager votre adversaire, vous aurez pas mal de fil à retordre.
De notre côté, on a retrouvé en solo, les mêmes sensations de jeu qu’à deux joueurs. La Comtesse bénéficie aussi du tirage aléatoire des cartes et on retrouve donc aussi cette petite part de hasard qui fait que nous devons nous adapter en permanence. En outre, on essaie en permanence de minimiser les cartes avec des points de victoire pour la Comtesse, tout en maximisant son jeu. C’est donc un vrai challenge qui se rajoute au reste du gameplay. Et non pas simplement le fait de battre son propre score. Là, il y a un vrai adversaire, redoutable, et qui ne lâche rien !
Certains événements font très mal. Mais le mode solo permet de varier la difficulté de la partie grâce à différentes adaptations bien pensées. Le tout est expliqué dans le livret des règles.
En fin de partie, la Comtesse se retrouve avec beaucoup de cartes différentes – vu qu’elle ne se soucie pas des chaînages – et donc, le comptage des points peut paraître un peu plus long que pour vous. Mais à part ce petit aspect, on ne cache pas son plaisir de jouer en solo à Compagnons. Le mode de jeu propose un vrai défi et une belle intensité. Et on n’a pas boudé notre plaisir !
Au final, en solo ou en multi-joueurs, Compagnons c’est bien une réussite dont on a eu plaisir à vous parler. Et surtout une réussite qu’on a plaisir à continuer de pratiquer.
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La règle du jeu en français
La fiche de Compagnons sur Board Game Geek
Le site de l’éditeur Gigamic