Souvenez-vous, en janvier 2017, nous avions chaussé nos baskets et pris notre sac à dos pour aller à la rencontre de Cesare Mainardi et de sa société Atalia. Notre soif de randonnée étant toujours parfaitement intacte, nous avons décidé de remettre le couvert pour une petite visite chez les hommes en violet. Mais oui, vous savez, ceux qui vivent dans les bois et qui répondent au doux nom de « Pixie Games », éditeur mais aussi distributeur !
Et comme ces gens-là font les choses bien, nous avons eu la chance d’échanger avec Vincent Burger, un Pixie forcément, mais aussi auteur et illustrateur du jeu Tunhell. Avec Vincent, nous avons évoqué la société Pixie Games, les aspects éditoriaux, la distribution mais aussi la gamme des jeux présents dans leur catalogue.
Pixie est devenu aujourd’hui un acteur connu et reconnu du monde ludique. Les choix éditoriaux nous plaisent particulièrement chez Jeudéclick, et il était temps que nous nous intéressions à eux.
Sans plus tarder, nous vous embarquons dans leur univers… Place à la décontraction et à la bonne humeur ! Sérieux s’abstenir.
Bonjour Vincent ! On te remercie beaucoup d’avoir pris du temps pour nous parler de Pixie Game et de tout ce qui entoure votre belle aventure ludique. Une entrée en matière toujours un peu rigide, désolé. Mais, peux-tu te présenter et présenter également les autres Pixie ? On veut savoir qui sont les « zigotos violets » qui nous sortent régulièrement ces jeux que l’on aime…
Bonjour ! Ne t’excuse pas, même le grand Jacques Martin commençait par une question similaire !
Bon d’accord… Mais Vincent on te prévient d’ores et déjà que Nana Mouskouri ne débarquera pas au milieu de notre discussion et qu’il n’y aura pas de cadeau en toute fin, avant de refermer le grand rideau du Théâtre de l’Empire… sous vos applaudissements… Pardon, on te laisse la parole…
Hmm… Nous sommes donc 4 associés. On vient tous d’horizons un peu différents mais on est 4 gros joueurs à la base, donc on sort les jeux qu’on aime et on est bien content que vous les aimiez aussi ! Chris, Lapinesco pour les intimes, est notre encyclopédie du jeu. Il les connaît tous ! Si vous avez besoin de renseignements sur un point de règles d’un jeu yougoslave des années 70 c’est votre homme. Eric, le professionnel, tient une boutique depuis une dizaine d’années. Si le jeu yougoslave des années 70 est encore en vente il peut vous le commander. Fred, est notre Mowgli du web, il a été élevé dans la jungle Kickstarter et personne ne traque les bons jeux comme lui. Si vous souhaitez proposer une réédition d’un jeu yougoslave des années 70 en financement participatif, il saura vous aiguiller. Et moi, Vincent, je suis le graphiste du groupe. Pour le fameux jeu yougoslave des années 70, je peux voir ce que je peux faire… Accessoirement je suis auteur de jeu également. Plus d’info sur www.adopteunpixie.com.
On croit savoir que vous n’êtes pas (encore) à temps complet chez Pixie. Que faites-vous dans la vie ?
Effectivement, nous ne sommes pas à temps complet chez Pixie mais on doit bien y passer tous 8h par jour quand même ! Pour ma part, je suis graphiste dans la vie aussi mais pour une grosse entreprise de grande consommation. Fred est chef de projet dans le secteur bancaire, Chris est consultant dans l’Informatique (désolé si c’est flou, en général je décroche quand ils me dévoilent leur identité secrète) et Eric tient donc une boutique de jeu, mais ça je vous l’ai déjà dit, non ? (rires)
Pixie c’est donc aussi une bande de potes qui vivez la passion du jeu. Comment vous êtes-vous rencontrés et comment cela a commencé ?
Nous étions ensemble au Vietnam (voir photo ci-jointe), accusés d’un crime qu’on n’a pas commis… Non, blague à part, c’est Éric qui a fait le lien. Fred et lui étaient collègues avant qu’Éric ne possède sa boutique, puis Éric est devenu notre dealer (de jeux) à Christophe et à moi par la suite. Il y a quelques années, Éric et moi avions travaillé sur d’autre projet d’édition (du wargame notamment) et lorsque le projet de créer Pixie Games a germé, Fred et Christophe ont rejoint l’équipe, avec le recul, leur renfort n’était pas de trop !
Comment vous êtes-vous répartis le travail chez Pixie ?
Les taches s’attribuent de manière très naturelle en fonction de nos compétences. Pour beaucoup de choses, on les pratiquait déjà avant de les appliquer pour Pixie ! Depuis des années, Chris est très actif sur les sites et les forums spécialisés et il est devenu de manière logique notre expert en communication et notre relais presse. Fred est à l’entrée des projets. Il recherche de nouveaux jeux, via Kickstarter mais aussi en allant à la rencontre des auteurs ou en recherchant des partenariats avec des éditeurs étrangers. Eric nous apporte son expérience du milieu et sa vision «boutique» de l’affaire ! C’est une vraie force; beaucoup de nos choix sont le résultat de ce travail de terrain qu’il a déjà fait pour nous. En ce qui me concerne, je me focalise surtout sur la partie édition et la suite Adobe hante mes nuits. Je crée les graphismes et les illustrations pour les jeux et les supports de communications.
Depuis quelques temps nous avons un cinquième homme dans l’équipe, David, qui assure la fonction de commercial qui nous faisait défaut. C’est la cinquième branche à notre arc ! Chacun tient un rôle mais toutes les décisions sont prises collégialement et si je me tiens assez éloigné de tout l’aspect logistique, je remercie mes comparses de me demander mon avis quand même !
Le début de Pixie Games a été marqué par l’édition en participatif du jeu Tunhell. Quel regard as-tu désormais sur ce premier opus ?
Ah ! Il fallait que ce soit moi qui réponde à cette question ! J’ai forcément un regard particulier sur celui-ci puisque c’est le mien (petit clin d’oeil de Vincent !). J’en suis l’auteur et l’illustrateur mais finalement ce dont je suis le plus fier, c’est du rôle séminal que ce jeu aura tenu dans l’aventure Pixie Games. Quand j’ai présenté Tunhell à Éric, il s’est dit que ce serait sympa de l’éditer (j’étais assez d’accord). Il l’a montré à Fred qui a tout de suite suggéré de passer par une campagne Kickstarter. Christophe l’a testé (son fils a adoré) et a suggéré des pistes de développement… Bref, le jeu pour les réunir Tous ! On a découvert beaucoup de choses à travers ce projet et surtout l’envie de continuer et d’aller plus loin !
Pourquoi avoir décidé de devenir également distributeur ?
Je parlais d’aller plus loin, voilà peut-être le meilleur exemple ! Dans un premier temps, la volonté de faire de la distribution était de nous permettre de suivre nos projets d’un bout à l’autre. On s’est vite rendu compte que ça nous permet aussi de proposer des jeux qu’on aime et qu’on ne trouvait pas encore sur le marché français ! En résumé, on se fait plaisir à tous les niveaux !
Comment vois-tu l’avenir avec la position écrasante d’Asmodee ?
La position écrasante de qui ? Je ne vois pas de quoi vous parlez. Ah oui, peut-être… maintenant que vous le dîtes… (encore un clin d’oeil de Vincent, il se passe un truc entre-nous c’est certain). Bon, en fait la situation était déjà bien connue avant qu’on se lance dans l’aventure donc on sait à quoi s’en tenir et c’est à nous de nous adapter. Si on regarde les autres filières (le livre par exemple), il y a toujours eu des très gros, des moyens et des petits, nous sommes convaincus qu’il y a de la place pour tout le monde tant que la qualité est là. On n’a jamais vraiment considéré la position d’Asmodee comme un obstacle mais plutôt comme un challenge.
Aujourd’hui une partie de votre catalogue se fait par des titres issus de campagnes participatives. Comment procédez-vous pour sélectionner ces titres ?
On sélectionne comme on l’a toujours fait : avec notre vision de joueur ! Si on tombe sur un projet qui nous séduit, on décide de le faire, tout simplement ! En réalité, il y de nombreux jeux de notre catalogue qui sont issus de Kickstarter mais que nous avons suivis bien avant la naissance de Pixie Games. Je dis « nous » pour faire simple, mais c’est surtout Fred pour ceux qui n’auraient pas suivi ! Par exemple, il avait pledgé les jeux de Shem Philips et l’idée d’une localisation de Raiders of the North Sea a germé dès le début de Pixie Games. De la même manière, la gamme Tiny Epic était en ligne de mire assez rapidement ! Ces jeux n’avaient pas de version française alors qu’ils bénéficiaient déjà d’une excellente réputation chez les joueurs. Il est apparu évident que Kickstarter allait devenir un terrain de jeu important pour nous ! Certains, comme Isaias Valejo pour Valeria, sont même venus à nous directement suite à la recommandation de Shem Philips (merci Shem) ! Ceci dit, Kickstarter n’est heureusement pas notre seule ressource !
Un catalogue diversifié, qui s’adresse à tout type de joueurs, c’est la clé de la réussite ?
Malheureusement je ne sais pas quelle est la clé de la réussite mais si vous la trouvez j’en veux bien un double ! En fait, la diversité de notre catalogue est due à nos personnalités. Chacun de nous a ses préférences, des types de jeux qui lui plaisent… Ça peut aller du jeu pour enfant jusqu’aux gros jeux de gestion à l’Allemande, en passant par les jeux abstraits ou l’ameritrash. À nous 4, on n’est pas tout type de joueurs mais je pense qu’on en couvre un certain nombre ! Si un jeu nous plait, peu importe le type ou la catégorie, on en parle aux autres et si tout le monde est d’accord, on essaie de le faire ! Encore une fois, on se fait plaisir à proposer des jeux que l’on aime et si les joueurs se reconnaissent dans nos choix, tant mieux ! C’est juste qu’on a les mêmes goûts !
Vous avez donc jeté votre dévolu sur certains titres qui plaisent énormément aux joueurs passionnés, comme les Valeria, les titres de Shem Phillips ou les Tiny Epic. Est-ce que c’est un axe que vous allez maintenir, voire même développer pour l’avenir ?
Oui, pour les raisons invoquées précédemment ! NOUS SOMMES des joueurs passionnés et tous les jeux qu’on propose c’est avant tout parce qu’ils nous plaisent ! Avant même que Pixie Games existe, tous ces jeux, on les a pledgés, on nous les a offerts à Noël, on y a joué avec nos amis, et c’est maintenant une grande fierté pour nous de pouvoir les proposer aux joueurs français ! Alors, oui, évidemment, on va continuer comme ça ! On est incapable de faire autrement…
Dans votre catalogue certains What’s Your Game sont déjà présents et d’autres vont arriver. Ce type de gros jeux répond à une demande sur le marché francophone ?
Là encore, oui ! Déjà ces jeux répondent à la demande de Chris, à la mienne et je suis sûr qu’on est pas les seuls ! Même si le marché du jeu se « démocratise», il y a aussi des joueurs qui veulent du velu et qui se retrouvent moins dans les best-sellers familiaux et qui considèrent que les prix sont souvent décernés à des jeux beaucoup trop simples. Le Diamant d’Or en est l’illustration. Les jeux WYG sont clairement plébiscités par ces joueurs-là dans lesquels nous nous reconnaissons aussi.
Quels sont les critères pour qu’un jeu puisse entrer dans le catalogue de Pixie ?
Il ne m’en vient pas un seul en tête ! Il faut juste qu’il plaise suffisamment à l’un d’entre nous pour qu’il veuille le présenter aux autres et que ça leur plaise aussi ! Ça peut faire l’objet de débat, nous ne sommes pas toujours unanimes. Au pire on vote mais si l’un d’entre nous pose son véto on abandonne. On est solidaire dans nos choix et on les soutient ensemble ou pas du tout !
Essen 2017 est en approche, qu’est-ce que vous prévoyez chez Pixie ?
Plusieurs nouveautés seront disponibles chez nous pour Essen. Il y aura Goodwill, de Julien Dauxert, un jeu de boursicottage très fun (et oui, c’est possible) que vous avez peut-être suivi sur Kickstarter ; King’s Road, de notre bon Dr Knizia illustré par Vincent Dutrait ; Konja, de Simon McGregor illustré par Rob van Zyl, qui sont les auteurs de Snowblind et qu’on aime beaucoup par chez nous (on aime le jeu et leurs auteurs) ; mais encore Explorateurs de la mer du Nord qui est la suite de la saga de Shem Phillips toujours illustré par the Mico. Il y aura sûrement d’autres choses, donc je vous invite à nous retrouver en plein milieu du hall 7 dans un village d’irréductibles avec de nombreux autres éditeurs français. Cocorico ! (comme dirait Agenstourix)
Et pour la fin de l’année, voire début 2018 ?
Et bien encore plein d’autre… Small Detectives de Bruno Faidutti et Charles Chevallier, illustré par mes soins. C’est une espèce de genre de cluedo en vingt minutes (pour faire simple) rythmé et fun, on l’adore ! Rise to Nobility, un jeu de placement d’ouvriers avec des dés, qu’on attend avec impatience. Et puis notre collaboration avec Alban Viard continue avec Card City XL, et là aussi on en est très fier ! C’est un plaisir de travailler avec tous ces gens-là ! Comme ça c’est dit…
Un petit mot sur le prochain Rocks of Ruin, l’extension pour Raiders of the North Sea ?
Oui bien sûr ! Rocks of Ruin ajoute un 5ème joueur, 3 bâtiments qui faciliteront la vie de vos vikings et de nouvelles tuiles pour aider à les construire, et surtout… Attendez, Shem est en train de danser le haka et de me tirer la langue, j’ai peur qu’il me mange si je continue, désolé… Vous aurez toujours La Taverne des Héros et Champs de Gloire pour patienter. (Heureusement, chez Jeudéclick, on a pensé à vous en dire plus)
On voit de temps en temps des boutiquiers qui pointent du doigt le système du financement participatif. Vous êtes distributeur avec plusieurs titres dans votre catalogue financés via Kickstarter. Ce n’est pas un souci ?
Ça reste un souci pour certain, mais je pense que c’est de moins en moins vrai. Kickstarter s’est imposé comme un nouvel acteur sur le marché et pour moi la question est surtout de savoir comment l’intégrer. De plus en plus de projets qui ont vu le jour sur des plateformes de financement participatif voient leur vie se prolonger dans les boutiques. Zombicide en est le meilleur exemple et de nombreuses boutiques ont su s’adapter et en tirer parti. On ne peut pas se passer des boutiques, ce sont nos principaux partenaires ! Tout le monde ne passe pas par Kickstarter pour acquérir un jeu. La proximité des boutiques avec les joueurs et leur rôle de conseil est indispensable ! Notre but, à nous, c’est de proposer ces jeux «kickstartés» aux boutiques dans les meilleures conditions pour pouvoir les partager avec le plus grand nombre !
Reste-t-il des projets de jeux originaux sur Kickstarter ou est-ce devenu une manne pour produit ultra marketé ?
Bien sûr qu’il reste des jeux originaux sur Kickstarter ! Plein même. La difficulté maintenant c’est le tri ! Il sort des projets tous les jours et comme vous le soulignez, ils sont ultra marketés et offrent une visibilité maximale au produit. C’est la grande force de Kickstarter à mon sens : sur une page Kickstarter vous trouvez : un trailer hollywoodien, des vidéos explicatives, des visuels attractifs, les règles du jeu (finies ou non), des reviews avant même la sortie du jeu, et ça soulève immédiatement une communauté qui soutient le projet… On peut se laisser séduire mais si le jeu est très beau, ça ne veut pas dire qu’il est bon, certains produits manquent de profondeurs ou de développement. D’ailleurs, je ne crois pas que les joueurs soient dupes. C’est notre rôle à nous en tant qu’éditeurs de sélectionner les titres qui en valent la peine, parce qu’une fois le jeu en boutique et entre les mains des joueurs, il n’y a plus de marketing : si le jeu est mauvais, cela se saura !
Y’a-t-il encore une marge de progression sur ce marché ou est-il au maximum de ses possibilités ?
Bonne question ! Je vous remercie de l’avoir posée…
De rien, c’était vraiment avec plaisir !
En fait, je n’en ai aucune idée. Je n’aurais pas imaginé il y a quelques années la place que Kickstarter à pris dans le secteur du jeu. Mais je pense qu’il y a quand même un effet de mode qui tend à s’essouffler. Finalement, aujourd’hui on procède de la même manière avec les projets Kickstarter que pour annoncer l’arrivée d’un jeu en boutique. Les campagnes sont présentées en avance sur les sites spécialisés et on soulève une communauté avant même le lancement. Ça me donne moins l’impression qu’avant de partir à la recherche d’un trésor. On en revient au marketing et c’est dommage parce que les meilleurs créateurs sont rarement de bons vendeurs…
Une dernière chose à nous communiquer ou à nous avouer ? On te laisse le mot de la fin Vincent !
D’accord, je vais vous tout vous dire. En 6e, j’ai triché à la compo d’histoire et géographie. En 5e, j’ai fauché la moumoute de mon oncle Matt et je l’ai collée sur ma figure pour jouer Moïse à la fête de mon cours d’hébreu. Et en 4e, j’ai fait tomber ma sœur Eddie dans les escaliers et j’ai fait punir le chien… C’est pour ça que ma maman m’a envoyé dans une colo spéciale pour les enfants trop gros. Et alors un jour, au déjeuner, j’ai craqué et je me suis goinfré et ils m’ont foutu à la porte. Mais le pire des trucs que j’ai jamais fait : j’ai fait une bouteille de faux vomi chez moi et je suis allé au cinéma de mon quartier. J’avais la bouteille sous mon sweat-shirt, je suis monté m’asseoir au balcon et alors… Et alors, j’ai fait un bruit dégueulasse… Et j’ai vidé la bouteille de dégueulis, je l’ai jetée par-dessus bord sur la salle et alors… Ça a été vraiment horrible tout le monde s’est mis a dégueuler dans la salle, ils dégueulaient partout les uns sur les autres… De toute ma vie j’ai jamais autant regretté ce que j’avais fait. (La Rédaction de Jeudéclick tient à préciser qu’elle n’a là reçu aucun visuel pour confirmer cette révélation fracassante. A prendre donc au conditionnel !)
Voilà, sinon merci Jeudéclick évidemment et merci aux lecteurs qui ont lu jusqu’ici ! À plus.
Merci à toi Vincent pour toutes ces informations, ces précisions et cette passion que vous partagez avec nous et avec tous les joueurs qui nous lisent. Et merci aussi pour tes révélations fracassantes !
Le site internet de Pixie Games
Le catalogue des hommes en violet