Charles Darwin a écrit « Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements. » Et si le jeu de l’adaptation des espèces devenait un réel jeu dans lequel vous deviendrez les marionnettistes de l’évolution ? C’est ce que vous propose le tout nouveau jeu « Darwin’s Choice » !
Darwin’s Choice est un jeu de cartes compétitif dont le but est d’être celui qui réussira à créer l’espèce animale la plus adaptée à l’environnement dans lequel elle se trouve. Chaque joueur va donc créer des espèces animales qui, selon le biome dans lequel elles seront placées, seront plus ou moins aptes à s’adapter à leur environnement selon la nourriture à disposition et le climat imposé. Ces adaptations rapporteront des Points Darwin ; l’extinction des espèces en fera perdre. Le joueur ayant cumulé le plus de points Darwin à la fin du jeu remporte la partie.
Darwin’s Choice est proposé par l’équipe de Treecer, une Start-up zurichoise spécialisée dans le monitoring des divers facteurs environnementaux de végétaux grâce à une puce électronique implantée dans le sol. Grands amateurs de jeux de plateaux, les trois fondateurs Marc Dür, Samuel Luterbacher et Elio Reinschmidt ont décidé de se lancer dans la création d’un jeu mêlant leur passion pour la nature et pour le monde ludique, en proposant en mai 2018 sur Kickstarter, leur premier projet “Darwin’s Choice”.
Derrière l’univers poétique et élégant de toutes les illustrations de Darwin’s Choice se cache Rozenn Grosjean, une illustratrice Lyonnaise travaillant principalement à l’encre et à l’aquarelle. Habituée aux mandats d’illustration pour des maisons d’édition, elle collabore aujourd’hui avec divers studios d’animation et propose un style de dessin délicat et tout en douceur. Toutes les illustrations du jeu ont été faites à la main puis numérisées.
Darwin’s Choice se joue de deux à six joueurs et s’adresse aux joueurs dès l’âge de sept ans. Un mode “enfant” qui propose des règles simplifiées et même une adaptation pour jouer par équipes de deux contre deux sont possibles. Une partie “normale” dure environ entre une et deux heures mais le temps peut être réduit si l’on joue trois ères au lieu de quatre.
Avec ses 3284 backers, il a atteint 190’434 francs suisses, ce qui équivaut au plus gros succès hélvétique sur la plateforme Kickstarter. Le succès fut tel que les créateurs planchent déjà sur une extension qui incluera les animaux préhistoriques et imaginaires.
Fraîchement livré à ses backers, le jeu est désormais disponible à la commande sur le site officiel de Treecer.com.
La star c’est Neno !
Avant de vous détailler les grandes lignes de la règle, on en profite pour un petit apparté. En effet, lors de la campagne Kickstarter, les backers avaient la possibilité de choisir un pledge limité incluant une carte personnalisée de leur choix, dessinée par Rozenne Grosjean. Votre humble rédactrice de cet article a évidemment sauté sur l’occasion pour immortaliser son chat répondant au nom de Neno. Rien n’a été laissé au hasard ; photos envoyées à l’illustratrice, discussions avec les créateurs du jeu pour que la personnalité de Neno soit reproduite dans les aptitudes sur la carte. Voyez comme il pose fièrement avec sa carte unique et ses stats : même sa passion pour la douche y est éloquemment illustrée grâce à l’aptitude pour les biomes aquatiques!
1, 2, 3,… Créez !
Dans le mode classique, le jeu se joue dans le sens anti-horaire et s’étend sur quatre ères, chacune composée de trois phases : la phase d’action, qui consiste essentiellement à la création et modification de vos espèces animales. Suit ensuite la phase d’évaluation qui va déterminer la viabilité de vos animaux en fonction de leurs capacités à survivre à leur milieu, à la quantité de nourriture disponible et enfin aux autres espèces plus compétitives. Les plus aptes survivront et obtiendront plus de points Darwin que celles qui seront contraintes à l’extinction. Enfin, la phase de transition sera celle qui déterminera les événements tels que catastrophes climatiques, le changement des biomes et la redistribution de la nourriture. C’est à ce moment que les joueurs reconstitueront leur main à dix cartes. Après la phase d’Évaluation de la quatrième et donc de la dernière ère, la partie se termine. Le joueur totalisant le plus de points Darwin gagne la partie.
La phase d’action est constituée d’actions principales, qui ne sont jouées qu’une fois par tour et par espèce animale à chaque ère. Vous avez trois actions principales à disposition : Créer, Muter et Migrer. Cette phase d’action se répète jusqu’à ce qu’il n’y a plus de joueur actif, donc… pas plus de carte à poser et/ou plus d’animal à modifier.
Créer une espèce animale consiste à placer un combo de cartes Animal dans un des biomes présents sur la table, avec au moins une tête et un corps. Muter un animal est l’action qui permet d’ajouter, retirer ou remplacer une ou deux cartes Animal d’une espèce présente dans un biome. Enfin, la migration consiste à déplacer une espèce animale d’un biome vers un autre qui serait plus approprié à ses besoins en nourriture et ses capacités d’adaptation.
Deux actions supplémentaires et facultatives sont disponibles. La première est celle d’échanger des cartes. En effet, les joueurs peuvent décider de s’échanger des cartes les uns avec les autres pendant leurs tours, ou au moyen d’une zone d’échange préalablement renouvelée au début de chaque ère. La seconde action facultative est la pioche de nouvelles cartes. Pour jouer cette action, le joueur devra impérativement se défausser de toutes ses cartes (à l’exception d’une seule de son choix) et se refaire la main à 10 cartes.
L’étape d’Evaluation consiste à déterminer le nombre de points acquis par espèce créée. En effet, elle va servir à vérifier si les espèces sont viables dans les biomes respectifs, de la nourriture disponible et en fonction de la compétitivité entre elles. Tout d’abord, on vérifie si toutes les espèces répondent aux conditions de leurs biomes respectifs, puis on évalue l’approvisionnement de nourriture. Manger veut dire prendre sur la carte biome autant de jetons nourriture disponibles de que symboles cœur que l’animal possède. Premièrement, ce sont les herbivores qui mangent puis les omnivores et carnivores, des plus au moins compétitifs ; plus l’animal possède de symboles trophées, plus il est considéré compétitif et mangera en premier. Les animaux qui ne mangent pas (ou pas assez) sont donc condamnés à l’extinction. Si elle survit, elle reste sur la table et reçoit un point Darwin posé sur elle. Sinon, elle s’éteint : elle est défaussée ainsi que tous ses points Darwin, à l’exception d’un seul qui revient à son joueur qui le pose devant lui ; ce point ne sera plus perdu. Des points Darwin seront aussi octroyés aux espèces les plus adaptées à leurs biomes respectifs et les plus compétitives toutes catégories confondues à l’aide des jetons Compétition. Celle qui obtient l’or recevra trois points Darwin, l’argent aura deux points et le bronze un point. Les points Darwin restent sur chaque animal sauf en cas d’extinction de l’espèce.
Passons enfin à la phase de Transition. Celle-ci va en effet permettre le renouvellement des biomes ainsi que l’apparition d’un événement climatique, qui va infliger un effet soit instantané soit permanent (donc un impact sur l’ensemble de l’ère à venir). Évidemment, le changement de biomes et les effets potentiels des cartes Evénement implique un nouvel approvisionnement de nourriture. La nouvelle réserve de nourriture est distribuée aux espèces en fonction de leur adaptation. Cela implique que certaines espèces risquent de se retrouver sans nourriture ; à vous de faire muter ou migrer votre animal pour éviter son extinction lors de l’ère qui va commencer !
Un petit écrin d’écologie
L’esthétisme épuré et simple de Darwin’s Choice est au cœur même de la réussite commerciale du jeu. Les illustrations sont admirablement réalisées par Rozenne Grosjean ; la finesse des aquarelles proposées contre-balance avec brio l’originalité et la complexité du mécanisme de jeu. Pas de plateau de jeu très chargé, pas de figurine, uniquement des cartes blanches illustrées avec un réalisme déconcertant, mais avec ce petit côté encyclopédie de sciences naturelles très réussi. L’objet lui-même est simplement beau et efficace.
Les auteurs ont effectué un énorme travail de recherche sur l’environnement, le règne animal et végétal, afin de proposer un jeu le plus fidèle possible à la réalité. La distribution des différentes espèces proposées a été un travail de longue haleine ; les backers eux-mêmes ont été mis à contribution dans la sélection des animaux aujourd’hui proposés dans le jeu. Pour la petite anecdote, une encyclopédie illustrée de la même façon que le jeu était l’ultime stretch goal de la campagne Kickstarter – palier malheureusement pas atteint de très peu… faute de temps.
Soucieux de l’environnement, les créateurs ont mis un point d’honneur à mettre au point un jeu qui rencontrerait leurs attentes et standards écologiques. Le fabricant choisi pour la manufacture devait fournir la garantie que le jeu serait certifié FSC et ayant une empreinte carbone la plus réduite possible. Donc, pas de thermoformage en plastique mais un insert en carton, pour le parti pris de l’écologie ! Mais écologie ne rime pas avec mauvaise qualité : on a affaire à un objet de très belle facture. Les cartes en papier structuré sont agréables à tenir en main ; les jetons sont épais, bien centrés. Vous trouverez dans cette boîte le strict nécessaire pour jouer : le livret de règles, des cartes et les divers jetons utiles au jeu (jetons joueurs, points Darwin, points de compétitivité, jetons Continent). Et c’est tout !
De prime abord, Darwin’s Choice semble simple et enfantin ; il n’en est rien. C’est un jeu familial mais qui s’adresse à des joueurs confirmés ayant l’habitude de décortiquer les règles et qui apprécient les mécaniques de construction de stratégie sur plusieurs manches. Le jeu mêle diverses mécaniques, telles que le draft et l’engine building, mécanique de jeu qui consiste à construire ses machines les plus puissantes possibles (ici des animaux les plus adaptés) au fil des manches tout en créant des blocages sur les stratégies de ses concurrents – par exemple, créer des animaux plus compétitifs que ceux des autres joueurs. Si la mise en place du jeu est très rapide et extrêmement aisée (puisqu’il s’agit de cartes à mélanger et placer sur la table), la première partie pourra paraître laborieuse, notamment parce qu’on aura tendance à revenir plusieurs fois dans le livret de règles pour éclaircir des détails qui ne paraissent pas clairs lors des premières manches.
En parlant du livret de règles… à l’instar du jeu, il est très esthétique, clair, concis et bien illustré, avec notamment des exemples très utiles de combos pour apprendre à compter les points lors de la phase d’évaluation. Il vous sera d’une aide précieuse pour vos premières parties, en plus des aides de jeu individuelles. Celui qui est fourni dans la boîte de jeu est uniquement en anglais, mais des versions en diverses langues (notamment le français) sont disponibles en téléchargement sur le site internet de Treecer. Mis en page de la même façon que la version originale, vous pourrez l’imprimer pour l’inclure dans votre jeu. Enfin, pour les réfractaires à la lecture de règles, il existe sur le livret un QR code à scanner qui mène directement sur une vidéo d’explication d’un gameplay.
Une fois les règles maitrisées, notamment pour le comptage des points, Darwin’s Choice est plaisant à jouer ; c’est un jeu qui prend de l’intensité au fur à et mesure des parties jouées. Il est essentiel d’y jouer plusieurs fois avant d’apprécier une partie à sa juste valeur. Les tours sont rapides puisque le nombre d’actions par tour est limité et les interactions entre les joueurs sont nécessaires, car la compétition est au cœur du jeu. La rejouabilité est aussi intéressante puisqu’il est quasiment impossible de rejouer des combos d’espèces d’une partie à l’autre et il y a pléthore d’événements et de biomes différents. Si la boîte de rangement est petite, prévoyez néanmoins une grande table pour permettre à tout votre écosystème d’être à l’aise durant les différentes ères de jeu.
Comme indiqué précédemment, il existe un mode “débutant” ainsi qu’un mode enfant (à partir de sept ans) pour jouer avec des enfants ; dans les deux cas, on facilite le scoring de points et les différentes étapes du jeu. Un mode deux joueurs est aussi possible en enlevant des piles de biomes et événements des cartes qui seraient redondantes et/ou pas applicables à deux joueurs. De plus, il est obligatoire de créer la zone d’échange lorsqu’on joue à deux. Enfin, un mode plutôt intéressant en semi-coopératif (par deux équipes de deux joueurs) rajoute des étapes impliquant des interactions stratégiques entre les différents joueurs.
En revanche, pas de version solo, malgré les demandes massives de backers. En effet, après plusieurs simulations, les créateurs ont préféré abandonner l’idée, car cela était compliqué à mettre en place. Pour le moment. Qui sait si cela ne serait pas une surprise lors de la compagne de l’extension “Darwin’s Choice : Before & After”.
Darwin’s Choice… un beau support pédagogique
Darwin’s Choice est un magnifique jeu qui s’adresse à un large nombre de joueurs, tous âges confondus. S’il est nécessaire d’avoir un joueur confirmé autour de la table pour mener les premières parties, il est accessible à tout le monde et offre un petit côté pédagogique grâce au panel d’animaux et autres cartes présents dans le jeu. Par ailleurs, la mécanique de Darwin’s Choice n’est pas sans rappeler le jeu Evolution, édité en 2014 par North Star Games LLC (FunForge pour la VF), tout en donnant un coup de frais au genre.
Grâce à Darwin’s Choice, petits et grands se prendront au jeu de créer la chimère la plus adaptée aux conditions environnementales proposées. Alors si vous avez l’âme d’un naturaliste à la recherche de l’espèce la plus compétitive de son biome, Darwin’s Choice est pour vous !
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La fiche du jeu sur le site de Board Game Geek
Le site de l’éditeur Treecer