Dans cette végétation luxuriante, seuls les cris de quelques rapaces raisonnent au loin. C’est vraiment calme. Très calme. Trop calme ! On dirait que la vie s’est soudainement arrêtée. Figée. Depuis que j’ai quitté ma grotte ce matin pour chasser, je n’ai jamais eu cette impression. Celle d’être épié. Je le sens, foi de mammouth, on me surveille ! Quelqu’un ou quelque chose m’épie. J’étais parti pour une journée de chasse mais je sens que je suis devenu le gibier. Heureusement, gourdin en main, j’ai de quoi répliquer. Et ma voix hurlante saura faire fuir les plus terribles créatures. Ou les terrasser juste avant que je les transforme en steak haché ! Mais en me retournant, je tombe nez à nez avec… un œil. Un immense œil vert et jaune qui me regarde fixement. L’air méchant. C’est un di… un didi… un dinoooo ! Les gars, je suis mal !
Il est de retour ! Oui, l’auteur Jean-Francois Gauthier est de retour ! Après son premier jeu « Goblivion » qui a d’ailleurs obtenu le prix spécial Jeudéclick 2020, c’est bien les dinosaures qui font une entrée fracassante pour une expérience ludique pour un ou deux joueurs. Et on vous en parle avec beaucoup de délectation…
Le moins qu’on puisse dire, c’est que nous l’attendions de pied ferme ce Dinoblivion. Il faut avouer que Goblivion Games avait mis la barre très haute avec son premier opus. Rappelons au passage que si Jean-François Gautier est l’auteur du jeu, il en est aussi l’illustrateur et l’éditeur. A l’image d’un Ryan Laukat, il n’y a pas beaucoup de touche-à-tout dans le secteur ludique qui parviennent à réussir sur tous les niveaux. Mais chez Goblivion Games, tout est réuni pour que les jeux se transforment en petite pépite ludique; en tous cas, de notre point de vue.
Qu’on se le dise immédiatement, Dinoblivion n’est pas la suite de Goblivion. Les deux jeux sont totalement différents et le seul élément qui pourrait les rassembler d’un point de vue ludique, c’est bien une gestion de main de cartes que vous devrez optimiser. L’opus se pratique à deux ou en solo, pendant environ 45 minutes et tel un tyrannosaure, il se laisse dompter à partir de douze ans pour des parties emplies de stratégie. En Europe, vous le retrouvez au catalogue de Ôz Éditions et bien entendu, en français. On le précise, même si vous pouvez et vous vous en douter.
Dans Dinoblivion, en tant que chef, vous contrôlez les membres d’un clan primitif et devrez développer votre clan, chasser, gérer vos ressources, construire de puissants totems et combattre de terrifiants dinos. A chaque tour, vous utiliserez vos cartes pour déclencher des effets, progresser dans le jeu, construire une mécanique efficace et améliorer petit à petit votre deck. Chaque carte vous permet de déclencher plusieurs effets mais vous ne pourrez en utiliser qu’un à chaque fois. Saurez-vous choisir efficacement et réaliser de puissants combos ? Sans attendre, intéressons-nous aux règles du jeu…
Grrrrrrrreeeeaaaaaaaooooouuuh !
Dinoblivion offre deux modes de jeu. En solo pour y jouer dans sa grotte, ou en duo autour du feu. Intéressons-nous tout d’abord au mode duel. En duel, le but du jeu consiste à accumuler en fin de partie, plus de points de victoire que votre adversaire.
A chaque début de tour, vous piochez quatre cartes de votre deck personnel. Vous pouvez ensuite jouer autant de cartes en main que vous le souhaitez. Mais à la fin de votre tour, toutes les cartes jouées et celles qui resteront en main seront défaussées. Une carte propose généralement cinq effets différents; mais vous ne pourrez en choisir qu’un seul ! Ainsi, vous pourrez utiliser une carte pour chasser et gagner de la nourriture. Pour attaquer un dinosaure avec ses points d’attaque. Mais aussi pour gagner un pion ami en associant deux cartes avec des symboles meeples. Vous pourrez également utiliser le pouvoir de la carte et finalement, la jouer pour une action. Notons encore que certaines cartes sont utilisées en tant que totem et leurs effets s’appliqueront tout au long du jeu. Différents jetons vous aideront aussi à accumuler de la force et d’autres, comme les œufs, vous rapporteront des points de victoire.
Lorsque vous disposez de suffisamment de points d’attaque, vous pouvez combattre un des deux dinosaures présents sur le plateau central. Le combat est gagné si vous égalez ou si vous dépassez les points de force du dinosaure. Alors, vous appliquez les effets de la réussite et ce dinosaure est retiré du jeu. Lorsqu’une des piles dinosaures ou que la jungle ne comporte plus de cartes, la fin de partie est déclenchée. Le joueur avec le plus de points de victoire l’emporte.
En solo, la grande majorité de la règle ne change pas. En revanche, vous devez combattre tous les dinosaures présents sur le plateau central avant que le deck des cartes de jungle ne soit épuisé. Faute de quoi la partie sera perdue. Par ailleurs, quatre cartes d’ennemis seront ajoutées au deck de la jungle. Quand un ennemi est révélé, il accélère la partie mais pourra être éliminé en payant un coût; généralement en ressources et en points d’attaque. Au contraire, les œufs gagnés durant la partie vous permettront d’ajouter des cartes à la jungle, afin de retarder la fin du jeu.
Grotte alors !
Une boîte verte rugissante ! Paf, un bon coup de gourdin pour la calmer et on l’ouvre. A l’intérieur, on retrouve du matériel de qualité. Pas moins de 128 cartes toilées, 12 meeples imprimés à l’effigie de nos ancêtres préhistoriques, une belle quantité de jetons en carton, un plateau principal et deux plateaux individuels recto-verso, ainsi que 2 livrets de règle en français et en anglais. Le tout, rangé dans un petit insert en carton qui permet aussi d’accueillir les cartes sleevées. Mais attention, pas trop épais les sleeves ! Goblivion Games nous avait impressionnés avec la qualité de son premier opus; Dinoblivion ne faillit pas à la règle. Les composants sont produits avec soin et le matériel est de qualité. Tant pour les cartes bien solides, que pour les meeples au rendu excellent, que pour les composants en carton épais. C’est un sans faute !
Thématiquement, nous sommes revenu au temps des dinosaures. Mais avec des hommes des cavernes en bonus ! Exploité avec beaucoup d’humour, les composants font la part belle aux illustrations de Jean-François Gauthier. C’est un style… c’est son style. Nous on adore parce que le thème est ainsi illustré dans un esprit qui s’accorde parfaitement avec le jeu. L’ensemble fonctionne bien et on s’amuse vraiment avec les Bananar, les Explorar, et autres Krafdinar… Les illustrations sont en nombre et beaucoup de cartes sont uniques dans le jeu. Un travail de création plutôt impressionnant !
Pour la règle, pas besoin de vous rendre dans une grotte pour y déchiffrer les peintures rupestres. Le livret de vingt pages permet de saisir toutes les particularités de Dinoblivion. Des exemples et de nombreuses illustrations ponctuent les explications. Une petite aide de jeu squatte la quatrième de couverture et des éléments de rappels permettent d’assimiler plus facilement les différents pictogrammes. Grâce au livret, le jeu se prend en main facilement et la première partie nécessite un ou deux petits allers-retours inévitables à la règle pour des éléments bien spécifiques. De notre côté, après plusieurs parties, on note quelques interrogations mineures liées à une ou deux cartes, que la règle ne résout pas. On aurait envie de suggérer à l’éditeur une petite FAQ sur son site. Mais rassurez-vous, la règle de Dinoblivion reste globalement excellente !
Pour la mise en place, rien de compliqué. Comptez quelques minutes pour l’installation des composants et le tri des cartes. Idem pour une partie en solo. Très vite, vous pourrez vous lancer à corps perdu, à la chasse aux dinosaures.
En matière de prise en main, une fois la règle lue, on aurait envie de poser quelques questions pour obtenir des informations supplémentaires sur les tenants et les aboutissants du jeu. Ne perdez pas de temps avec cela et lancez-vous immédiatement dans la partie ! Une fois que vous aurez joué vos deux premiers tours, tout deviendra clair. Le système de jeu s’appréhende facilement et les actions possibles sont concordantes avec le gameplay. Les pictogrammes contribuent aussi à une parfaite prise en main grâce à des visuels très explicites. Rapidement, on comprend les mécanismes à mettre en place et on saisit où le jeu va nous emmener. Après votre première partie, vous aurez normalement compris comment optimiser votre deck pour gagner en efficacité. Et les premiers combos se dessineront d’eux-mêmes. La courbe d’apprentissage se veut donc plutôt rapide et intuitive.
Les mécanismes de Dinoblivion se concentrent bien entendu sur une importante gestion de mains de cartes. On retrouve de l’optimisation de deck avec une petite part de deckbuilding. On minimise la chose car dans un système complet de deckbuilding, « l’achat » des cartes se fait généralement de manière assez large. Dans Dinoblivion, seules deux cartes peuvent être acquises simultanément par les joueurs. Ou par le joueur en solo. Pour s’accaparer des autres cartes, équilibrer et enrichir son deck, il faut soit chasser dans la jungle, soit acquérir celles du dessus des piles pour accéder aux cartes précédentes. Ainsi, vous l’aurez compris, il y a encore un peu d’opportunisme dans ce jeu. Les combos occupent également une part importante du gameplay, et c’est peu de le dire. Avec une seule carte, cinq utilisations sont possibles et autant de combinaisons différentes. Chacun peut donc imaginer et essayer des stratégies aussi vastes que multiples. Et comme le jeu s’avère riche et complet dans son fonctionnement, on ajoute encore de la gestion de ressources et des paramètres de course. Une course consistant d’ailleurs à être le premier à s’attaquer à un maximum de dinosaures. Le piège de Dinoblivion en multi-joueurs, serait sans doute de perdre trop de temps à optimiser ses cartes et laisser le champ libre à son adversaire pour combattre les dinos. Et ainsi marquer des points de victoire à votre place ! En solitaire, on retrouve aussi cet aspect course puisque si le deck des cartes jungle est épuisé avant d’avoir combattu tous les dinosaures, la partie s’avère définitivement perdue. Dans les deux configurations, la gestion du temps demeure donc essentielle.
Et tout cela mis ensemble, on retrouve une petite salade de gameplay comme on les aime. Les mécanismes sont savoureux et on prend un plaisir fou à jouer. On optimise son deck, tout en faisant comboter nos cartes; tantôt pour déclencher une chasse, tantôt pour collecter de la nourriture, etc. Les options sont vraiment variées et Dinoblivion offre une expérience ludique palpitante. En solo ou en multi-joueurs, on retrouve de la fluidité dans les mécanismes et on reconnaît bien la patte de l’auteur. Sans dire que l’opus propose un vrai challenge et ce n’est pas si simple de gagner (en solo) ou de combattre avant l’autre (en duo). Dans tous les cas, le challenge est bien présent et les gamers trouveront de quoi se faire véritablement plaisir.
Bon d’accord, mais tout cela est-il vraiment novateur ? Novateur non, mais original… très certainement. En effet, c’est un vrai vent de fraîcheur qui souffle sur le thème du jeu. On développe notre clan, de manière plutôt humoristique et amusante grâce aux visuels du jeu. Par ailleurs, le fait de chasser, d’utiliser de la nourriture, de s’améliorer puis de partir à la chasse aux « grosses bébêtes »; on a apprécié l’expérience. Sans oublier qu’une seule carte du jeu peut s’utiliser de plusieurs façons différentes. C’est certain, l’originalité de Dinoblivion est belle et bien présente !
En solo, pas d’inquiétude pour le tour de jeu; vous contrôlez tout ! Mais en duo, comptez tout de même une ou deux parties pour vous habituer complètement à l’utilisation des cartes et leurs effets multiples, et pour que le tour devienne fluide et même vif. Tout reste clair et limpide mais lorsqu’on débute, on a tendance à attendre un peu sur les choix de l’autre joueur. Qu’il réfléchisse et se décide. Ce n’est pas très dérangeant, surtout que les choses se mettent vite en place. Ainsi, lorsque Dinoblivion est correctement pris en main, le tour de jeu se savoure avec une jolie intensité et une complexité que l’auteur a très bien dosée.
Y jouer et y rejouer, cela fait clairement partie de la vie de tout jeu de société. Et Dinoblivion n’échappe pas à la règle. Avec les nombreuses cartes présentes dans le deck principal (la jungle), les dinosaures et les chefs de clan en surnombre dans la boîte, et les nombreuses façons d’utiliser les cartes… pas de souci à vous faire en matière de rejouabilité ! Chaque partie apporte son petit lot de différences.
Un mot encore pour parler avec vous de Goblivion. On a souvent lu que Dinoblivion était le petit frère, ou le grand frère, de Goblivion. Et on entend déjà certains joueurs nous demander si ces deux jeux ne sont pas trop ressemblants. Précisons déjà que Dinoblivion n’est pas une suite de Goblivion et que ces deux titres sont bien différents l’un de l’autre. Les visuels de l’un peuvent éventuellement évoquer les visuels de l’autre. Et inversement. Mais il s’agit là du style de Jean-Francois Gauthier. Cependant, la thématique n’est pas la même. En outre, dans le premier jeu, on cherchait plutôt à combattre des créatures qui nous attaquaient à chaque tour. Un peu à l’image d’un « tower defense ». On passait des épreuves et on retournait nos cartes, comme on pouvait le faire, par exemple dans le jeu Vendredi. Dans Dinoblivion, on retrouve une préparation du clan, qui doit en premier se renforcer, se développer, grandir, et ensuite combattre. D’ailleurs, le joueur décide à quel moment il combat. L’utilisation des cartes n’est également pas du tout la même. Et tout le côté gestion de ressources s’avère bien plus présent dans Dinoblivion. Les deux jeux sont ainsi clairement très différents. En revanche, dans ces deux opus, vous retrouvez de l’optimisation de deck. Et cela, c’est préhistoriquement bon ! Pour clore ce petit chapitre, on pourrait dire que Goblivion offre une accessibilité plus rapide mais un gameplay qui se prête mieux au jeu en solo. En revanche, pour Dinoblivion, la prise en main demande un peu plus d’investissement et une partie de découverte, mais le jeu se prête tout aussi bien au mode solo qu’aux parties à deux. Petit conseil du Chef, si vous ne jouez qu’en solo, arrêtez de vous torturer et de vous faire du mal, prenez les deux ! Choisir c’est souffrir…
Au final, nos attentes étaient vraiment élevées sur ce Dinoblivion car la barre avait été mise haute avec le premier titre de l’éditeur. Et il faut bien avouer que nos espérances sont comblées ! Oui, vraiment ! On encense le travail réalisé sur ce titre mais croyez bien que cela est mérité. Après une première partie de découverte, et une deuxième dans laquelle on affine sa stratégie, Dinoblivion se révèle véritablement. La mécanique arbore une fluidité magistrale et on prend un plaisir fou à y jouer. Chaque partie propose sa petite particularité et les nombreuses cartes renouvellent l’expérience de jeu. Parfois les totems seront la clé de la partie et parfois ce sera grâce à la puissance de nos actions. Quelle diversité ! Sans oublier ce petit soupçon de frustration quand l’autre joueur chasse le dinosaure tant convoité ! Et soyons honnêtes, le fait de pouvoir utiliser une carte de cinq façons différentes est tout simplement génial. En tant que joueur, on s’amuse à choisir, à faire varier ses actions et le petit aspect compétition avec l’adversaire reste très bien dosé. Mais sans jamais s’affronter directement ni détruire le jeu de l’autre. Top ! Ce jeu est vraiment malin et on apprécie le fait qu’il ne soit pas trop simple ni trop complexe. Un juste milieu qui nous fait réfléchir sans se prendre la tête. Et pourtant, ce n’est pas si simple à gagner pour peu qu’on décide de choisir le niveau qui saura nous mettre au défi. En solo, en retrouve le même plaisir qu’en multi-joueurs. L’aspect course nous fait luter contre le deck qui s’affine de tours en tours. On cherche continuellement à prendre les bonnes cartes et à mettre en place au plus vite une stratégie gagnante en fonction des éléments disponibles. Au cas où vous en douteriez encore, le plaisir de jouer est au rendez-vous; à chaque ouverture de boîte !
Petit format, mais grand jeu. Dinoblivion nous fait voyager dans des temps anciens grâce à un opus des plus modernes. Deux opposés que Jean-Francois Gauthier a su sublimer. Ne cherchons pas d’incompréhensibles qualificatifs… soyons directs, ce jeu c’est de la bombe !
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La règle du jeu en français
Une partie de Dinoblivion dans la Zone Jeux de Société
Dinoblivion sur Board Game Geek
Des ressources pour le jeu sur Session Solo
Le site de l’éditeur Goblivion Games
Le site de l’éditeur Ôz Éditions