Les gars sont à cran depuis deux jours. Il faut dire que la tension est à son maximum, surtout depuis ce matin. Mais on a pensé à tout. L’Irlandais a su arroser quelques ripoux de jolis billets verts pour qu’on puisse gagner du temps. Les frères Ferilli nous ont procuré des guns qui ne sont référencés sur aucun registre. On a prévu le scénario dans les moindres détails. On a repéré les lieux et on a même répété toute l’opération. Les chargeurs sont pleins et nos sacs sont vides. Du moins pour l’instant. Carl qui est assis à côté de moi est particulièrement nerveux. Je le sens bien, il frappe du pied sous la banquette. Encore quelques minutes et on pourra y aller. Tout se passera bien, on a planifié l’opération et on sait exactement où on va. Il ne faudrait juste pas que le gardien se mette à jouer les héros. Mais c’est certain, les coffres de la banque ne nous résisteront pas ! Bon les gars, c’est l’heure… on y va !
Si vous avez toujours eu envie de jouer les gangsters, c’est le moment ! Mais attention, uniquement si c’est sur plateau et encore plus si cela se passe autour d’une bonne table de jeu. Et cela tombe bien car on voulait justement évoquer avec vous le tout premier jeu de l’éditeur belge Schmeta Games. Voici « Gangsta ! ».
Après une campagne de financement participative qui s’est déroulée avec succès sur Kickstarter, le jeu arrive désormais en boutiques, dans plusieurs pays francophones. De l’auteur Yves Rosenbaum, qui signe là son premier jeu, Gangsta a été illustré par Fred Navez et pourra se pratiquer de deux à quatre joueurs. Pour mener à bien vos petits et grands larcins, comptez des parties entre trente et soixante minutes, accessibles à partir de dix ans.
Vous l’aurez compris, pour jouer à Gangsta il faudra être un vrai méchant, car vous incarnez un boss de la mafia ! Dans ce jeu de cartes, vous voudrez étendre votre territoire mais ne pourrez pas le faire seul. Vous devrez recruter des gangsters, aux compétences aussi riches que variées. Et bien sûr les utiliser pour réaliser des casses. En amassant de l’argent et un maximum de points de victoire, vous parviendrez sans doute à tirer votre épingle du jeu et à remporter la partie. Un jeu qui se déroulera en trois actes, dont on vous parle tout de suite…
Alors tu veux devenir gangster ?
En tant que boss, à la tête de votre gang, vous devez recruter des gangsters pour effectuer des casses et cumuler des points d’influence. A la fin de la partie, le joueur avec le plus de points d’influence l’emporte. Une partie de Gangsta se déroule en trois actes. A la fin de chaque acte, les cartes de casses sont renouvelées.
Chacun joue à tour de rôle et lorsque vient le tour du joueur actif, il commence par réactiver les cartes de gangsters présents devant lui. La phase d’action qui s’en suit, permet au joueur actif d’effectuer une seule action. Ainsi, il peut décider de recruter un gangster, parmi les cinq présents au centre de la table. Pour recruter un gangster, il suffit simplement de payer le coût en dollars. La deuxième action possible consiste à réaliser un casse. Pour réaliser un casse, le joueur sélectionne une des cinq cartes casses présentes au centre de la table et doit disposer des compétences requises mentionnées. Ces compétences proviennent des membres de son gang. Le ou les gangsters sélectionnés pour leurs compétences sont retournés à 90 degrés, et le joueur applique immédiatement les effets de la carte casse (récupérer des dollars, des points d’influence et/ou des actions spéciales qui vont influer sur le jeu). La troisième action possible consiste simplement à passer pour récupérer quelques dollars et pour défausser une carte gangster présente au centre de la table.
A la fin du premier acte, le joueur qui totalise le moins de compétences sur l’ensemble de ses gangsters, obtient quelques dollars. A la fin du deuxième acte, le joueur qui totalise le plus de mercenaires oblige les autres joueurs à se défausser d’un gangster. Et à la fin du troisième acte, la partie est terminée et les points d’influence sont totalisés. Bien entendu à la fin de chaque acte, les cartes casses sont remplacées par un nouveau deck. Précision encore qu’à partir du deuxième acte, les délateurs entrent en jeu et impliqueront des joueurs qu’ils perdent du cash s’ils ne disposent pas assez de gangsters disposant d’une compétence d’informateur.
Le jeu qui « casse » tout !
Un nouveau jeu… un nouvel éditeur… un thème accrocheur… tous les éléments sont rassemblés pour piquer notre curiosité et pour que nous ouvrions une boîte de Gangsta ! A l’intérieur, on retrouve pas moins de 150 cartes, 80 billets de banque en papier et un livret de règles. Il n’y a pas besoin de plus pour jouer les petites frappes, ou les truands d’envergure. La production a été soignée, tant pour les billets de banque que pour les cartes qui sont de très bonne facture avec un vernis de protection bien efficace. Voilà qui s’annonce sous les meilleurs hospices…
Visuellement, pour nous, le charme a opéré. Des visuels soignés, dans l’esprit BD, ou pour les plus connaisseurs, dans un style GTA, ce qui colle à merveille à la thématique. Tant les personnages que les illustrations des casses nous plongent dans l’ambiance. On ressent bien le côté underground et la direction artistique nous a convaincus avec un jeu véritablement agréable à regarder. Et à jouer !
Le thème de la mafia, des bandits et des mauvais coups organisés, a déjà été bien exploité dans le secteur du jeu. On ne pourra donc pas parler d’une originalité en tant que tel. Cependant, la thématique a été bien choisie et colle au gameplay. Par ailleurs, l’exploitation du thème est à relever avec pas moins de quarante personnages tous différents sur les cartes. Idem pour les casses et même les dollars qui en rajoutent à l’immersion. Même si on aurait peut-être préféré une réglette par joueur pour le cumul du cash, pour une meilleure visibilité en cours de partie. Mais c’est un détail. Au final, on se retrouve avec ambiance mafieuse qui donne envie de débuter au plus vite une partie; c’est très accrocheur !
La règle du jeu se présente sous forme d’un petit livret de douze pages. En une dizaine de minutes, les explications sont lues. Les instructions sont ponctuées d’exemples très détaillés et le feuillet ne laisse la place à aucune interprétation. Un document qui transpire par sa clarté !
Après une mise en place éclaire qui consiste principalement à brasser les différents decks et à distribuer quelques cartes, les joueurs pourront débuter leur première partie. Nul besoin d’une session de découverte; chacun pourra immédiatement entrer dans le vif du sujet. Le jeu s’apprendre facilement grâce à une bonne accessibilité. Surtout que les cartes sont ponctuées de nombreux pictogrammes. Lors de l’approche initiale, on note uniquement quelques brefs retours à la règle pour s’assurer de certains effets, mais rien de plus. La lecture du tour de jeu est facile et on comprend immédiatement quelle sera la finalité de Gangsta.
Les mécanismes utilisés dans Gangsta reposent principalement sur de l’association de cartes. Ou plutôt, sur l’association de pictogrammes. Pour avancer dans le jeu, il faudra rassembler les bonnes compétences et les utiliser sur les cinq casses présents en permanence au centre de la table. C’est là que le côté « opportuniste » entre en jeu et mieux vaut ne pas laisser passer sa chance car les autres joueurs ne vous feront pas de cadeaux. Surtout qu’il y a de quoi embêter les autres et même de jouer avec leurs cartes. Un aspect très vicieux et déstabilisant qu’on adore et dont on prend plaisir à abuser. Même si nos cartes sont placées face visible devant nous, le jeu propose aussi une petite gestion de main qui consiste dans le fait de gérer et rassembler un bon éventail de compétences, et de les réactiver de manière judicieuse. En revanche, le jeu rend difficile une vision globale des scores de chacun en cours de partie. Ainsi, il est primordial de ne rien lâcher et de saisir toutes les bonnes occasions qui se présentent. Finalement, l’ensemble fonctionne très bien et le gameplay se veut fluide de bout en bout. La réflexion s’invite rapidement, sans oublier qu’il faut aussi anticiper les fins des deux premiers actes, lesquels apportent un petit challenge supplémentaire et qui diversifie notre façon de jouer.
On ne l’a que brièvement évoqué lors des règles, mais les cartes proposées au centre de la table sont renouvelées à deux reprises pendant le jeu ; ces fameux actes ! Trois actes, pour être précis. Voilà une petite particularité bien sympathique qui méritait d’être relevée. Et là où le jeu utilise très bien ce renouvellement du deck des casses, c’est qu’à la fin de chaque acte, un point de règle différent s’applique à tous les joueurs. On ne vous en dira pas plus, parce qu’on aimerait aussi vous laisser un peu de surprises, mais quoi qu’il en soit, ce très malin point de règle, vient diversifier notre façon de jouer, qu’on soit dans le premier, le deuxième ou le troisième acte. Et c’est très agréable !
Même si la mécanique de jeu reste la même d’un tour à l’autre, le renouvellement des parties fonctionne très bien. Pendant une partie, on n’utilise pas toutes les cartes des decks – surtout à deux et trois joueurs – ce qui assure une bonne diversité lorsqu’on rejoue à Gangsta. En outre, les cartes Ressources permettent d’ajouter de petits effets optionnels en cours de jeu, lesquels prolongent encore cette sympathique sensation de renouvellement.
On l’a déjà évoqué mais Gangsta est assurément un jeu interactif. Même si chacun « construit » son moteur de jeu devant lui et de façon plutôt individuelle. Le gameplay propose véritablement de se disputer certaines cartes et des effets pourront directement être déclenchés pour perturber les autres joueurs. On se vole des dollars, on élimine quelques membres des gangs des autres joueurs, et on peut même jouer avec le jeu des autres ! Sur ce dernier point, voilà justement un aspect qui favorise la communication entre les joueurs ! Parfois à l’avantage ou au désavantage de celui qui en est la cible. Dans tous les cas, on passe de très bons moments à jouer à Gangsta !
Au final, Gangsta nous laisse une très bonne impression d’un jeu malin et fluide. Les visuels sont accrocheurs et sympathiques, sa prise en main ne pose aucun problème et le titre s’apprend rapidement. Tous les éléments sont là pour s’amuser en toute simplicité avec un large panel de joueurs. Si les tours de jeu reposent sur une base plutôt simple, il y a de quoi assurer une bonne réflexion de la part des joueurs grâce aux différentes associations qu’il faut mettre en place. Et comme il s’agit aussi d’un jeu d’opportunité, tout ne se déroule pas toujours comme prévu. On s’amuse à constater qu’un plan se déroule sans accrocs (comme disait ce bon vieux Hannibal) mais on peste aussi lorsqu’on se fait prendre sous le nez la carte convoitée. Sans oublier que jouer avec une partie des cartes d’un autre joueur consiste tout de même en une opération bien amusante à déclencher. Déstabilisant à souhait ! Gangsta est un jeu de méchants, dans lequel il faut aussi être méchant ! Mais tout en s’amusant bien sûr… Une fois la partie terminée, on ne peut rarement résister à l’envie d’en refaire une deuxième. Et en principe, c’est plutôt bon signe lorsqu’un jeu devient addictif.
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La règle du jeu en français
La fiche de Gangsta! sur Board Game Geek
Le site de l’éditeur Schmeta Games