Au ranch McArthur, dans le centre du Texas, il fait déjà très chaud, alors que la vieille horloge de la propriété n’affiche que onze heures. Une légère brise souffle dans les champs de blé et Ramon, l’un des cow-boys du ranch joue de l’harmonica sous le porche de la grange. Ramon et les autres ont déjà travaillé toute la matinée pour préparer les bêtes et les rendre présentables. Aujourd’hui, le propriétaire devra conduire les plus beaux bovins à Kansas City pour la traditionnelle vente annuelle. A McArthur, les hommes élèvent des Guernsey, des Black Angus, des Holstein mais surtout des Texas Longhorn qui font la renommée et la fierté du ranch. Toutes les bêtes ont été lavées et brossées pour l’occasion. John, le meneur d’homme a mis ses plus belles bottes et a nettoyé ses éperons. Chapeau texan sur la tête, il se prépare pour ce long périple qui le mènera jusqu’à la ville frontière avec l’Etat du Missouri. Si tout se passe bien, il reviendra dans plusieurs dizaines de jours les poches remplies de billets à l’effigie de ce cher Benjamin…
Avec notre article d’aujourd’hui, cap sur les grandes étendues agricoles du sud des Etats-Unis, à la découverte des éleveurs bovins du 19e siècle, dans un jeu passionnant nommé « Great Western ». Initialement, le titre a été édité par Stronghold Games, uniquement en anglais sous le nom de « Great Western Trail ». Très intéressé par cet opus et peut-être même attiré par la bonne odeur de bouses de vaches, l’éditeur Gigamic a eu la merveilleuse idée de localiser le titre en français. C’est ainsi que Great Western débarque sur nos étales pour des parties de 40 minutes par cow-boy, de deux à quatre joueurs dès douze ans.
Vous l’aurez donc compris, il s’agit d’un « gros jeu » destiné à un public averti, même si vous constaterez que finalement, les règles ne sont pas si compliquées. Ces dernières comportent néanmoins beaucoup de petites subtilités qu’il faudra assimiler dans le plus pur style « eurogame ». Dans Great Western, vous serez donc à la tête d’un ranch texan et de son traditionnel bétail. Vous devrez mener votre troupeau jusqu’à Kansas City pour les envoyer en train à vos acheteurs. En chemin, vous devrez effectuer des actions pour embaucher du personnel, acheter de nouvelles têtes de bétail, améliorer vos actions de jeu etc. A la fin du jeu, le plus riche propriétaire l’emportera.
Ah la vache !
Chaque joueur débute la partie avec dix tuiles bâtiment à sa couleur qu’il pourra éventuellement construire durant le jeu. Il reçoit également 14 cartes de bétail qui vont constituer sa pioche et en prend directement quatre pour former une main de départ. Tous les joueurs prennent aussi une carte d’objectif personnel ainsi que quelques dollars, sans quoi le jeu n’aurait pas la même saveur. Vous voilà maintenant prêts à débuter la partie et à déplacer votre Éleveur le long d’un parcours qui serpente depuis le coin inférieur droit du plateau, jusqu’à Kansas City dans le coin supérieur gauche.
A votre tour de jeu vous devez réaliser trois actions, dans l’ordre, à savoir déplacer votre pion éleveur, sur le plateau principal, vers un autre lieu du parcours. Vous devez ensuite effectuer les actions du lieu en question et finalement compléter votre main. Votre tour prend alors fin et le joueur suivant peut entamer le même processus.
Arrêtons-nous sur la première action qui consiste à déplacer votre éleveur sur le plateau principal. Chaque joueur dispose d’un plateau individuel sur lequel est précisé le nombre de déplacements possibles en début de partie (différent en fonction du nombre de joueurs). Chaque lieu que vous traversez sur le parcours représente un déplacement et les emplacements vides ne comptent pas. Naturellement, vous devez toujours avancer en direction de Kansas City, mais vous choisissez librement votre chemin. Durant votre périple, vous traverserez des lieux dits « neutres » mais également des lieux qui vous appartiennent et des lieux qui appartiennent à vos adversaires. Si vous traversez des lieux qui présentent une main noire ou verte, vous devez payer une taxe même si vous ne vous y arrêtez pas. Si la tuile appartient à un autre joueur, cette taxe lui sera alors directement versée. Si vous ne pouvez pas payer, vous pouvez quand même vous déplacer, gratuitement.
La deuxième étape consiste à effectuer l’action du lieu sur lequel vous vous êtes arrêté. S’il s’agit d’un lieu neutre ou d’un de vos bâtiments, vous pouvez effectuer l’action ou les actions du lieu. Mais vous pouvez aussi effectuer une action de soutien simple. Ainsi, vous pourrez par exemple recruter un nouveau travailleur, construire l’un de vos bâtiments, prendre une nouvelle carte objectif, avancer votre locomotive sur les cases de voie ferrée, acheter du bétail au marché, retirer des dangers, ou aussi commercer avec les indiens en gagnant ou en perdant de l’argent, etc. Toutes ces actions sont donc disponibles sur les différents lieux où vous vous arrêtez, mais comme indiqué précédemment, vous pouvez aussi choisir d’effectuer des actions de soutien. Une action de soutien se passe alors sur votre plateau individuel. Certaines actions sont disponibles dès le début de la partie et d’autres, seront possibles plus tard. Vous pourrez par exemple gagner de l’argent, piocher de nouvelles cartes de bétail, payer et reculer votre locomotive pour gagner des certificats, reculer votre locomotive pour retirer définitivement du jeu une carte de votre main etc. En revanche, si vous vous arrêtez sur la tuile d’un autre joueur, une tuile danger ou une tuile tipi, vous ne pouvez qu’effectuer une action de soutien simple.
Lorsque vous atteignez Kansas City, vous devez réaliser les cinq actions du lieu, dans l’ordre. Vous commencez donc par rajouter de nouvelles tuiles de danger sur le plateau principal ainsi que sur le marché de l’emploi. Ensuite, vous révélez votre main et vous calculez les revenus que votre bétail vous rapporte. Plus il est diversifié et plus votre revenu est conséquent. Finalement, vous placez l’un des disques de votre plateau individuel sur une ville et vous payez les éventuels frais de transport en fonction de l’emplacement de votre locomotive sur la voie ferrée. Ces étapes terminées, vous replacez votre éleveur au début du parcours et vous remplissez les trois emplacements de prévision qui sont alors vides.
La dernière étape du tour consiste simplement à compléter sa main de cartes. Chaque joueur commence la partie avec une limite de main à 4 cartes et peut l’augmenter jusqu’à 6. Si vous avez moins de cartes en main que votre limite de main actuelle, piochez autant de cartes de votre pioche Bétail que nécessaire pour compléter votre main.
La fin de partie est déclenchée lorsqu’un joueur place une tuile Travailleur sur la dernière case du marché de l’emploi. Chaque autre joueur peut ensuite effectuer un dernier tour de jeu puis tous les cow-boys procèdent au décompte final. Dans Great Western, les joueurs marquent des points de victoire par tranche de cinq dollars qu’ils possèdent, avec les points de victoire présents sur les tuiles bâtiment du plateau principal ainsi que sur les villes, sur les gares, sur les tuiles danger, sur les cartes de bétail, sur les cartes d’objectif, sur les tuiles chef de gare. En fonction du nombre de travailleurs que vous possédez ou de certaines actions libérées sur votre plateau individuel, vous pourrez aussi obtenir des points de victoire supplémentaires. Le jeton du marché de l’emploi permet également un dernier apport en points de victoire.
Bien entendu, nous vous livrons là une explication allégée de la règle de Great Western, uniquement pour que vous puissiez vous faire une idée si le jeu est fait pour vous, ou non. Pour une règle complète, rien ne vaut la lecture du manuel de jeu et le visionnage des règles en vidéo ; comme par exemple celles de Chaps ! Comme d’habitude, on vous met bien entendu ces différents liens au bas de l’article.
T’es à l’ouest cow-boy !
A l’intérieur de cette grosse boîte carrée qu’est Great Western, une pléthore de matériel ! Cartes toilées, tokens en bois, jetons bien épais et surtout un beau et grand plateau de jeu magnifiquement illustré. Le matériel, de qualité, donne vraiment envie de chausser ses bottes, son chapeau et de plonger immédiatement dans l’aventure. Surtout que le thème du jeu est très présent tout au long de la partie et surtout, vraiment bien travaillé.
Côté règle, nous sommes sur un eurogame exigeant et forcément, avec la notice qui va avec. Le livret comporte seize pages assez denses et de prime abord pas très engageant. Mais en suivant les étapes, une après l’autre, tout se met en place plutôt simplement. En elle-même, la règle de Great Western n’est pas la plus compliquée du genre. Elle comporte cependant une bonne dose de petits points spécifiques et d’éléments divers à assimiler et à retenir. Rien de compliqué mais il vaut mieux avoir l’esprit vif et une certaine habitude de ce type de jeu. Après quelques tours, les mécanismes sont connus et on constate assez vite que ces derniers reviennent périodiquement au gré des différents déplacements. La prise en main est donc assez simple et efficace grâce à l’iconographie très parlante et bien réalisée. Lors d’une première partie, il faut terminer une première livraison à Kansas City pour se rendre compte véritablement de toute la subtilité du jeu et surtout de l’orientation que l’on veut donner à sa stratégie. Certes on commence rapidement à se développer mais les premiers tours se clarifient vraiment dans un second temps.
Une fois passé le cap de la prise en main, on se retrouve incontestablement avec un eurogame dans la plus pure tradition des jeux de gestion. Les mécanismes de déplacements reviennent incessamment d’un tour à l’autre (on vous rappelle que l’on débute notre chemin pour effectuer des livraisons à Kansas City puis en recommence encore et encore), ce qui permet de se concentrer sur l’optimisation. Une optimisation qui doit se faire tant au niveau de son plateau personnel avec les actions à débloquer, au niveau du plateau principal avec les bâtiments à construire, qu’au niveau de sa main avec des cartes qu’il faudra diversifier au maximum. Et bien entendu on ne s’arrête pas là puisque le jeu rajoute encore des objectifs personnels, tout le système de la voie ferrée à gérer et à optimiser mais aussi une petite gestion économique avec des dollars qui seront indispensables pour faire progresser son aventure. On se retrouve donc avec des mécanismes typiques des jeux à l’allemande mais associés avec une petite partie de deckbuilding pour la gestion de sa main. En effet, le marché au bétail permet de rajouter des cartes dans sa défausse et chaque plateau personnel comporte aussi une action secondaire pour épurer son deck. Et il faut bien le reconnaître, le mélange de ces différents fonctionnements cohabite merveilleusement bien et colle à la thématique du jeu.
Parfois, sur ce type de titre, les joueurs sont souvent appelés à effectuer leurs actions « dans leur coin » puis à passer la main à leurs adversaires sans grande interaction. Dans Great Western, nous ne sommes certes pas sur une interactivité débordante mais le mécanisme des déplacements qui implique de passer et même de s’arrêter sur les bâtiments des adversaires, fait qu’il y a toujours quelque chose en mouvement entre les joueurs. Au même titre qu’il se créée également une petite « compétition » assez plaisante au niveau de l’avancement des locomotives sur la voie ferrée.
Les sensations de jeu sont donc très positives et il existe de multiples façons d’orienter sa stratégie et surtout de marquer des points de victoire. Les grands axes de développement seront en principe communs à tous les joueurs (on pense au plateau personnel ou à la construction des bâtiments) puis chacun aura le choix de diversifier sa tactique. Les décisions prises par les uns ou les autres vont forcément impacter les autres joueurs, surtout au niveau du plateau central. Cette évolution constante de la stratégie des uns et des autres est particulièrement intéressante et oblige d’une certaine façon à ajuster régulièrement les choix que l’on effectue tout au long du jeu. Il y a également une bonne dose d’anticipation à prendre en compte au niveau des déplacements et donc forcément au niveau des décisions qui seront prises pour les actions.
Dans Great Western, peu de place au hasard. Même si les joueurs sont quand même tributaires du tirage initial des cartes qu’ils ont en main, il existe suffisamment d’options pour y remédier. Le plateau individuel permet en effet d’épurer son deck et les options des bâtiments offrent plusieurs possibilités pour optimiser sa main. Néanmoins, il faut quand même dire que nous ne sommes jamais à l’abri d’une succession de tirages malheureux. Toutes les autres décisions, ou presque, sont directement liées à des choix et des orientations stratégiques. On construit le bâtiment A, pour débloquer l’action B qui permet ensuite de développer l’action C et ainsi de suite… Rien de bien novateur si on est habitué à taquiner le cube en bois mais toutes les actions s’imbriquent vraiment bien. L’ensemble est très logique, très cohérent et associé à la thématique, le jeu se pratique avec beaucoup de plaisir.
Au final, nous sommes véritablement sur un jeu de qualité, ni trop complexe ni trop simple qui saura plaire aux connaisseurs. Un axe commun de développement, des stratégies variées pour le reste des options de jeu et cette gestion de main type deckbuilding qui n’est pas pour nous déplaire. Il y a un intérêt indéniable dans le mélange de toutes ces possibilités qu’offre le gameplay. Et associé à une thématique forte et bien réalisée, Great Western se positionne comme un titre phare pour les joueurs assidus et passionnés par les eurogames. En ce qui nous concerne, on a été particulièrement séduits !
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La règle du jeu en français
La vidéo explicative des jeux de Chaps
Une partie de Great Western dans la TricTrac TV
Le site de l’éditeur Gigagmic