Toutes sirènes hurlantes, quatre véhicules noirs aux vitres teintées foncent à vive allure en direction des quartiers nords. A deux rues du centre hospitalier, le convoi s’arrête et une quinzaine d’hommes cagoulés en descendent. Les unités du SWAT investissent les lieux et bouclent toutes les issues. Des tireurs d’élite se positionnent sur les toits des bâtiments adjacents. Il y a huit minutes, la police a reçu un coup de téléphone d’un homme prétendant détenir des otages aux huitième étage de l’Hôpital Central. Visiblement, il cherche à ce que toute l’attention se focalise sur lui. Et c’est plutôt réussi ! Les rues sont barricadées mais pourtant, une voiture civile s’approche du poste de commandement mobile de la police. La portière s’ouvre. Un homme en descend. Chaussures cirées, pantalon et chemise amidonnée, une plaque de police à la ceinture, la clope au bec. Le ciel est nuageux mais pourtant, ses lunettes de soleil recouvrent une partie importante du haut de son visage. Ça y est, le négociateur est dans la place !
Et vous vous en doutez, ce négociateur ce sera vous ! Vous et vous seul, car une fois n’est pas coutume, nous voici sur un opus destiné uniquement à 1 joueur. Mais avant de vous en parler plus en détail, faisons un petit retour en arrière car l’histoire du jeu remonte à juillet 2014. À cette date, voilà que « Hostage Negotiator » est porté en financement participatif sur Kickstarter par son éditeur Van Ryder Games. Et uniquement en anglais bien entendu. Mais le jeu cherche des soutiens afin de voir le jour. Quelques 1200 contributeurs répondront présents. Viendra ensuite une deuxième campagne pour un second tirage et une troisième en vue de la production de l’extension Crime Wave. Mais il faudra attendre plusieurs années pour que le jeu soit enfin localisé dans la langue de Molière. Et c’est Don’t Panic Games qui est ainsi aux commandes de cette version francophone avec un opus qui est à présent disponible en boutique.
Comptez environ vingt minutes par partie pour un jeu accessible dès quatorze ans. Et en tant que négociateur, vous ferez face à un preneur d’otage. Le titre est un jeu de carte dans lequel vous devrez acheter des points de conversation afin de négocier avec le criminel. Vous discuterez avec lui, vous prendrez actes de ses revendications et déciderez de les concéder, ou non. A chaque carte, vous devrez jeter des dés pour obtenir des succès et ainsi faire libérer les otages. Mais se sera sans compter avec des événements qui viendront bousculer vos plans. Et bien entendu, le temps vous sera compté !
Sans plus attendre, on vous résume brièvement les règles du jeu…
A toutes les unités, go go go !
A peine briefé par le commandant des opérations, vous voilà devenu le négociateur de la prise d’otage actuellement en cours. L’objectif du jeu est de libérer les otages et de permettre la capture ou l’élimination du preneur d’otages. Ainsi, pour gagner, vous devrez sauver au moins la moitié des otages et capturer ou éliminer le preneur d’otage. Et même son complice s’il devait y en avoir un.
Après avoir installé le jeu et sélectionné la carte du preneur d’otages (carte qui définit la mise en place et le contexte de la partie), vous recevez en main les six cartes discussion de base. Ces cartes, ainsi que toutes les autres cartes de discussion vont vous permettre de parlementer avec le preneur d’otages.
Tout le jeu consiste à animer les conversations entre le négociateur et le fameux preneur d’otages. A chaque tour de jeu vous allez effectuer trois phases.
La première phase consiste en une discussion. Imaginez que vous décrochiez le téléphone et, c’est parti, à vous de mettre en pratique vos talents ! Ainsi, vous pourrez jouer autant de cartes de discussion en main que vous le désirez. A chaque carte jouée, vous accomplissez un test de menace pour résoudre un des différents effets de la carte. C’est-à-dire que vous lancerez des dés, d’un nombre égal au niveau de menace en cours. Concrètement, vous lancerez entre un et trois dés. Chaque dé vous permettra de réaliser un ou deux succès, des échecs, ou une possibilité de défausser deux cartes de votre main pour réaliser un succès. Puis, vous appliquerez immédiatement le résultat du test en fonction des effets que vous offre la carte jouée. Ainsi, vous pourrez par exemple gagner des points de conversation, faire diminuer ou augmenter le niveau de menace, révéler des revendications du preneur d’otages, faire libérer un ou plusieurs otages, ou même mettre le preneur d’otage dans une colère noire et ainsi le voir tuer délibérément des otages, etc. Quand une carte est jouée, cette dernière est alors défaussée et pourra à nouveau être achetée ou récupérée, non pas au prochain tour, mais au suivant.
Précisons que le petit plateau principal du jeu vous permet entre autre d’augmenter ou de diminuer le niveau de menace. Plus vous augmentez le niveau de menace et plus le risque que le preneur d’otage fasse feu sur vos protégés est haut. A contrario, plus le niveau diminue, plus il sera enclin à accepter la libération des otages. Le fait de lancer entre un et trois dés suit également ce même principe, directement lié au niveau de menace.
La deuxième phase du tour, consiste en l’achat de cartes de conversation. Durant la première phase vous avez eu la possibilité d’acquérir des points de conversation. A présent, vous pourrez dépenser ces points pour acheter de nouvelles cartes qui seront alors disponibles en main pour la prochaine conversation (le prochain tour). Et plus les cartes sont coûteuses, plus leurs effets seront importants sur la libération des otages.
Finalement, la dernière phase est dite phase de terreur. Durant cette phase, vous devrez piocher la première carte de la pile et appliquer immédiatement les effets. Cette phase simule le comportement très « changeant » du preneur d’otages. Vous pourrez ainsi avoir de bonnes comme de mauvaises surprises. S’il n’y a plus de cartes à piocher, tous les otages restants sont éliminés, le preneur d’otages s’échappe et vous perdez la partie !
Ensuite, un nouveau tour commence. La partie continue ainsi jusqu’à ce que les conditions de victoire soient réunies ou que la partie soit définitivement perdue.
Garde ton calme et fais-moi confiance
A toutes les unités, restez en position ! Restez en position ! Forcément… avant l’action, place à la négociation. Mais pour mettre tout cela en pratique, intéressons-nous tout d’abord à ce que cache une boîte de Négociateur Prise d’Otages. A l’intérieur, une série de petits meeple’s en bois dont un marqueur de conversation en forme de bulle, un petit plateau de jeu bien épais, cinq dés spéciaux gravés et un deck de cartes. Au passage, on vous suggère vivement de protéger les cartes qui seront passablement manipulées. Le tout, rangé dans un thermoformage qui peut d’ailleurs accueillir les cartes sleevées. Ça on aime ! Et on en oublierait presque la règle du jeu.
Un livret de règle de seize pages format A5 qui se lit plutôt rapidement et ponctué d’exemples. Tout y est bien détaillé, expliqué et il ne subsiste aucun obstacle pour débuter rapidement une première partie. Une première partie que se jouera en mode découverte car elle s’avère nécessaire pour appréhender le mode de jeu ainsi que les différents effets des cartes. A ce titre, on ne saurait trop vous conseiller de bien lire et comprendre les cartes avant de vous frotter à votre premier preneur d’otage. Lui, n’attend qu’une seule faiblesse de votre part ! Néanmoins, après quelques tours de jeu d’une première partie, les différentes étapes sont généralement assimilées. Ainsi, la prise en main est plutôt agréable et simple.
Après quelques parties, le jeu devient particulièrement fluide et les sensations de tension sont bien présentes. Le jeu reste « crispé » du début à la fin et dans tous les sens du terme. Et c’est plutôt étonnant qu’avec de simples cartes, on arrive à se mettre dans la peau d’un négociateur et de visualiser la scène de la prise d’otages. Côté immersion, on y est totalement !
Dans les mécanismes utilisés, on retrouve le système du deckbuilding avec l’achat puis l’utilisation des cartes et le système de défausse. La gestion de main est vitale dans Négociateur Prise d’Otages. Cette dernière doit en effet être effectuée de la manière la plus subtile possible. Souvent, il sera préférable de mettre fin à la conversation en cours pour garder des cartes dans sa manche pour le prochain tour. Enfin, façon de parler ! Bien entendu, il y a une part de chance, compte tenu des cartes terreur qui sont piochées au hasard et compte tenu aussi des dés qui sont lancés à chaque carte jouée. Mais ce facteur chance est et doit être maîtrisé. Et là, se trouve peut-être toute la subtilité de ce jeu qui reste très punitif.
Si vous pensez que l’opus n’est qu’un jeu de hasard, alors vous n’y avez pas consacré assez de temps pour en comprendre toute la finesse. Pour chaque preneur d’otages, il y a une stratégie à trouver et à mettre en place. Certains combos de cartes seront indispensables pour mener à bien votre opération en cours. En revanche, ces mêmes enchaînements seront peut-être (sans doute même) inefficaces avec un autre preneur d’otages. Ce dernier demandera alors une toute autre approche. Cela se découvre petit à petit au gré des parties. Par ailleurs, dans Négociateur Prise d’Otages, vous serez amené à jeter un nombre incalculable de dés. Et là encore tout le twist du jeu repose sur le fait de maximiser chaque résultat positif. Les cartes de conversation sont là pour vous y aider. Tout comme certaines revendications émises par le preneur d’otages. Mais il vous appartiendra de savoir quelle stratégie mettre en place et à quel moment en fonction de la situation. Bien entendu, tout cela n’est pas une science exacte et il faudra aussi jouer avec la chance et avec les évènements qui surviendront. Mais finalement, n’est-ce pas là la réalité d’une prise d’otages ?
L’opus est clairement un jeu difficile. Il n’est pas toujours évident à comprendre et à maîtriser les enchainements qui vont vous permettre de gagner. Beaucoup de parties seront sans doute perdues. Cependant, on ne résiste pas souvent à « vite en refaire une ». Plutôt addictif, Négociateur Prise d’Otage se rejoue facilement. Rapidement mis en place en soixante secondes, des parties d’environ vingt minutes (quand on maîtrise bien la mécanique) et des tours de jeu qui reposent uniquement sur trois étapes… Tous les éléments sont bien là pour une excellente rejouabilité.
Clairement passionnant, efficace et addictif, voilà un titre qui n’a pas fini d’occuper les joueurs solo. L’art de la maîtrise du risque, de la recherche de solution, une petite part de chance également, on a là un excellent jeu, dans une petite boîte, facilement transportable. Pour nous, Négociateur Prise d’Otages rejoint clairement le haut du classement en ce qui concerne les jeux solo. En revanche, on va devoir vous laisser. Le téléphone du commissariat central vient de sonner et il semblerait qu’une enseignante déséquilibrée retienne ses élèves en classe. Et de surcroît, elle est armée. On va encore une fois avoir besoin de nous…
Et quand il n’y en a plus, il y en a encore…
Sachez encore que la version française dont le portage est assumé par l’éditeur Don’t Panic Games, est à présent disponible en boutique. Dans les prochaines semaines, l’éditeur mettra également en vente des boosters qui apporteront de nouveaux preneurs d’otages et donc de nouvelles expériences de jeu. Nous reviendrons bien entendu sur ces extensions qui arrivent pour début juillet 2018.
Le jeu dispose aussi d’une extension standalone nommée Crime Wave. Le titre utilise le même mécanisme que l’on trouve dans Négociateur Prise d’Otages qui met les cartes que vous achetez directement dans votre main pour le tour suivant. Cependant, il comporte de nouvelles cartes de conversation, de nouvelles terreurs, de nouveaux évènements etc. Pour l’heure, Crime Wave n’est disponible qu’en anglais et Don’t Panic Games n’a pas encore annoncé une éventuelle localisation en français.
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La règle du jeu en français
Une partie en vidéo par Board Game Québec
Le site de l’éditeur Don’t Panic Games