Sculpté dans les rochers des montagnes embrumées du vieux Japon réside l’Autel d’Onitama. Ce lieu de purification et de formation subtile de l’esprit accueille les écoles d’arts martiaux de tout le pays. Les maîtres de ces écoles effectuent le voyage vers l’Onitama avec leurs disciples les plus prometteurs afin d’affronter leurs adversaires dans cette enceinte sacrée et prouver leur supériorité.
Et qui de mieux que l’éditeur Igiari pour transposer ce principe en un excellent jeu de plateau, dans la langue de Molière… Un éditeur qui nous a d’ailleurs déjà gratifiés d’autres très bons opus tels que RRR, Templari, ou Mondrian.
Aux commandes, on retrouve l’auteur japonais Shimpei Sato qui nous propose avec Onitama, un opus destiné à deux joueurs uniquement. Pour des parties prévues entre 15 et 20 minutes, le jeu – sobre et épuré – permet une accessibilité dès huit ans; voire même un peu moins…
Mais avant tout, Onitama se présente essentiellement comme un jeu abstrait. Sur un plateau quadrillé de 25 cases, chacun des deux joueurs dispose de cinq pions à sa couleur : 1 maître et 4 élèves. A chaque tour, le joueur utilisera une carte pour déplacer un pion selon une figure imposée. Le but du jeu consistant à capturer le maître adverse ou positionner votre maître sur la case de départ du maître adverse.
Cela doit vous paraître encore très abstrait. Pas de panique, on vous détaille la règle, qui se veut simple pour un jeu particulièrement fin et élégant. Fermez vos yeux et ouvrez votre esprit…
Quand maîtres et élèves s’affrontent
Chaque joueur place son pion maître sur l’Arche du temple, c’est-à-dire sur sa case départ, au centre d’un des côtés du plateau. Les pions élèves sont placés de chaque côté du maître. Chaque joueur dispose de deux cartes. Une cinquième carte est placée à côté du tapis de jeu.
Pour gagner la partie, il y a deux possibilités. La première… un joueur doit suivre la voie de la Pierre, consistant à capturer le maître adverse. Le capturer revient à déplacer l’un de ses cinq pions sur la case du maître adverse qui est alors attaqué et éliminé du jeu. Deuxième possibilité… un joueur doit suivre la voie du Ruisseau en atteignant l’Arche du temple adverse. Cela consiste à positionner son pion maître sur la case de départ du maître adverse. La partie prend immédiatement fin si l’une de ces deux conditions est atteinte par un joueur.
A chaque tour, le joueur actif choisit une des deux cartes de mouvement en sa possession. Chaque carte indique une case de départ et plusieurs cases d’arrivée possible. Ainsi, le joueur choisit le pion qu’il veut activer et le déplace sur l’une des cases d’arrivée représentée sur la carte. Si la case d’arrivée comporte un pion adverse, ce pion est attaqué et éliminé de la partie. La carte jouée est alors placée à côté du tapis de jeu et le joueur actif s’empare de l’autre carte qui se trouve déjà à côté de l’aire de jeu. La carte qui vient d’être jouée sera ensuite récupérée par l’adversaire une fois qu’il aura joué l’un de ces pions. Et ainsi de suite jusqu’à une condition de fin de partie.
Sur l’Autel de l’abstrait !
Un petit aimant retient le couvercle d’une boîte d’Onitama. Délicatement et tel un objet précieux, l’écrin s’ouvre majestueusement. A l’intérieur, on retrouve un tapis en néoprène, 2 pions maîtres et 8 pions élèves en plastique, 16 grandes cartes toilées et le livret des règles. Le tout, rangé dans un thermoformage. La production se veut à l’image du jeu; sobre, classe et vraiment réussie. Le tapis de jeu propose de jouer avec beaucoup de délicatesse. Les pièces sont agréables à manipuler et les cartes offrent une bonne solidité. Sans oublier leur grand format qu’on a beaucoup apprécié. Une production sans faute qui ne nous a pas laissés indifférents.
Dans un style ampli de légèreté et d’élégance, la direction artistique d’Onitama nous transporte au cœur de l’Art japonais. Des tons pastels et reposants; c’est exactement ce qu’il nous faut pour jouer à ce type de jeu. La « zénitude » est au rendez-vous mais les affrontements épiques ne sont pas très loin… Au niveau du thème, on pourrait le dissocier totalement du gameplay, mais nous sommes sur un jeu abstrait et stratégique, l’important n’est pas là même si le contexte est clairement posé.
Le livret des règles s’articule sur six pages. Un petit fascicule rapidement lu et ponctué d’illustrations bien utiles. Agréablement et clairement rédigé, les instructions se veulent très compréhensibles. La règle reste relativement simple et sa lecture ne pose aucun problème de compréhension. Ainsi, il est facilement possible de débuter une première partie, surtout que la mise en place ne prend que quelques dizaines de secondes.
Et justement, parlons de cette première partie de découverte. Au début, il est important de bien assimiler l’utilisation des cartes qui se passent d’un joueur à l’autre. Mais dès les premiers tours, si chacun reste concentré et assidu, tout fonctionne bien. Il est aussi nécessaire d’avoir une bonne vision de l’espace de jeu car le point de départ de chaque déplacement de pièce demeure différent. Ce n’est pas grand chose, mais c’est un petit « coup » à prendre et assimiler. Ainsi, la première partie reste une découverte du système de jeu, des placements et de l’utilisation du matériel. Les premières stratégies se dessinent mais c’est bien lors des parties suivantes que tout le potentiel du jeu se dévoile.
Onitama repose sur des mécanismes très simples qui font la part belle à une profondeur de jeu incroyable. Au cœur du gameplay, les deux adversaires vont devoir manier les placements et les déplacements. La gestion de main de cartes (même s’il n’y en a que deux ou trois par joueurs selon les tours) reste essentielle. Et surtout, la planification et l’anticipation seront de chaque instant. Déplacer un pion dans Onitama n’est vraiment pas compliqué. Mais si ce déplacement n’est pas clairement accompagné d’une réflexion sur les coups suivants, on court à la catastrophe. Un peu comme aux échecs, la victoire se joue sur la faculté du joueur à se projetter plus loin dans la partie. Il faut donc analyser le plateau de jeu mais aussi les cartes dont dispose et dont disposera ensuite l’adversaire. Une mécanique somme toute très simple, mais terriblement savoureuse. Il n’y a aucune place à la chance et souvent, dans une partie d’Onitama, on entend les mouches voler…
Vous l’aurez compris, l’originalité du jeu repose principalement sur l’utilisation de ses cartes. On utilise deux cartes en permanence et une troisième « dessine » les prémisses du coup suivant mais reste hors jeu. Ce petit twist apporte tout le sel qu’il convient et suffit à proposer une excellente originalité à l’ensemble.
Nous évoquions précédemment la réflexion, qui rythme les parties d’Onitama. Et c’est bien ce qui compose le tour de jeu. Chacun des deux joueurs doit bien sûr analyser différents éléments avant de choisir son déplacement. Mais force est de constater qu’on reste rarement de longues minutes à attendre les décisions de l’autre. Même si certains joueurs peuvent faire preuve d’analysis paralysis, le tour de jeu demeure tout de même assez fluide et les mouvements des pièces sur le plateau de jeu s’enchaînent bien. Et même si un coup prend plus de temps que prévu, l’adversaire peut aussi en profiter pour planifier plus longuement la suite de sa partie. Ce qui n’est pas plus mal !
La rejouabilité est clairement un point fort de ce jeu et les seize cartes de mouvement y contribuent pour beaucoup. En début de partie, seules cinq cartes sont choisies et le reste est remis dans la boîte. En outre, comme ces cartes sont piochées au hasard, les combinaisons possibles sont grandes. Cumulé aux stratégies des joueurs qui se renouvellent à chaque coup, aucune partie ne ressemble à une autre.
Mais au final, est-ce que le jeu propose de l’interaction ? Il s’agit plutôt d’un duel sur plateau. Comme chacun reste concentré sur son jeu et sur ses prochains coups, ce n’est pas pendant la partie que vous « taperez la causette » avec votre acolyte autour d’une petit verre de saké. Encore que ! En revanche, vous aurez sans doute beaucoup de plaisir, une fois la partie terminée, à revenir sur les coups déterminants et à échanger avec l’adversaire.
Onitama est entré dans notre ludothèque il y a quelques années et il ne la quittera sans doute jamais. Sauf pour être joué bien sûr ! L’opus est un vrai régal qui s’apprend très vite et qui peut se pratiquer avec un large panel de joueurs. De six à… pas d’âge, on prend beaucoup de plaisir à le jouer. Surtout que le système de jeu offre une profondeur vraiment grande. Nous l’avons déjà dit, mais on insiste là sur un point qui fait que ce titre reste l’un des meilleurs jeux abstraits que nous connaissons. Et on n’exagère absolument pas. Onitama c’est de la stratégie et de la planification, et c’est top ! A chaque tour, on essaie de mettre l’autre en déroute. On grignote son jeu petit à petit en réduisant autant que faire se peut, son nombre de pièces encore dans la partie. Et finalement, on élabore le coup de grâce avant de mettre notre plan en application; tout simplement succulent ! Et on ne sort que très rarement Onitama pour n’en pratiquer qu’une seule partie. L’opus est addictif et la revanche se dessine comme une évidence. C’est cela qui est bon !
Sachez encore, pour ceux qui désirent aller plus loin dans l’expérience ludique, que deux extensions sont disponibles en français. « Sensei’s Path » et « Way of the Wind » rajoutent de nouvelles cartes de mouvement pour créer encore plus de combinaisons grâce à une nouvelle figurine, l’Esprit du Vent, qui avec ses cartes spécifiques, donne une autre dimension tactique au jeu.
Maintenant, à vous de vous forger votre propre avis.
La règle du jeu en français
Onitama sur Board Game Geek
Le site de l’éditeur Igiari