En 1972, un des plus grands scandales politiques du 20e siècle éclate au pays de l’Oncle Sam. Une investigation majeure menée aussi bien par des journalistes que par le Sénat, finira par faire voler en éclat l’administration présidentielle. Cet évènement d’ampleur international entrera dans l’histoire sous le nom de Watergate.
Un peu d’histoire à la fragrance de souffre
Le scandale du Watergate est une sombre affaire d’espionnage politique dont les tenants et aboutissants finiront par pousser le président des États-Unis, Richard Nixon, à démissionner en 1974, afin d’éviter d’être destitué. L’affaire aux ramifications dignes d’une toile d’araignée débuta avec l’arrestation en 1972 de cinq hommes dans les locaux du Parti démocrate installé au sein de l’immeuble du Watergate à Washington.
Au départ, ce qu’on définira comme une « affaire » n’en est même pas vraiment une… Il n’est pas fait grand bruit de cette intrusion et l’enquête diligentée par le FBI ne fait que très peu de vagues. Cette dernière conclut d’ailleurs assez rapidement à une tentative de cambriolage ayant lamentablement foiré. Mais ce fait divers attire également l’attention de deux journalistes du Washington Post : Bob Woodward et Carl Bernstein. Ces derniers, soigneusement aidés par un mystérieux informateur répondant au doux nom de « Deep Throat » (qui pour la petite histoire se révèlera être 31 ans plus tard le directeur associé du FBI Mark Felt) se mettront à publier des articles et à littéralement proférer des accusations notamment quant aux liens entre les pseudos cambrioleurs et la Présidence et au financement très douteux de la campagne de Nixon.
Les vagues commenceront peu à peu à affluer sur les rivages de la Maison Blanche et à impacter le principal intéressé bien que ce dernier finisse tout de même par remporter assez confortablement son second mandat contre le candidat démocrate George McGovern. Pourtant, moins d’une année plus tard et grâce notamment à l’obstination manifeste du juge du district de Columbia John Sirica, une commission d’enquête sénatoriale sera mise en place. Cette dernière sonnera le glas pour la Présidence. Les premières inculpations finiront par tomber, resserrant peu à peu l’étau autour du Président. Finissant par se voir acculé face au Congrès, Nixon démissionnera au profit de Gerald Ford, s’évitant ainsi la honte d’une procédure de destitution qui aurait clairement eu toutes les chances d’aboutir.
Les Seventies t’appellent, n’attend pas et court vers elles…
Watergate est un jeu d’affrontement politique asymétrique et de placement de tuiles conçu par Matthias Cramer (Lancaster, Maîtres Couturiers, Fight for Olympus…) et illustré par Klemens Franz (Agricola, Caverna, Lorenzo il Magnifico…). Prévu pour 2 joueurs dès 12 ans pour une durée de partie se situant entre 45 et 60 minutes, il est édité en anglais par Capstone Games. Une édition francophone est d’ores et déjà prévue – selon de récentes infos – avec une localisation signée Iello, laquelle arrivera sous nos latitudes pour le courant 2020.
Dans Watergate, les joueurs vont avoir l’occasion de rejouer ce pan de l’histoire politique américaine et peut-être – qui sait – de biaiser le cours des évènements. Dans les grandes lignes, un joueur assumera le rôle d’un journaliste d’un organisme de Presse, tandis que l’autre incarnera un représentant de l’Administration Nixon. Pour remporter la partie, le journaliste de l’organisme de Presse devra tout mettre en œuvre pour recueillir autant de preuves que possible pour relier 2 suspects (parmi les 7 possibles) directement au Président avant la fin de son mandat. Le représentant de l’Administration Nixon quant à lui devra réussir à brouiller les pistes et à étouffer les preuves jusqu’à la fin du mandat Présidentiel.
Côté matériel, les joueurs disposeront d’un plateau de jeu commun représentant un plan quadrillé (vide) permettant de potentiellement relier (ou pas) les 7 suspects avec Nixon trônant en son centre. Notez qu’au début du jeu, le plateau sera dépourvu de suspects puisqu’il faudra également réussir à les révéler pour les placer. Pour pouvoir ensuite relier les « potentiels » suspects au Président, il faudra user de tuiles « preuves » contenues dans un sac en toile (à l’abri des regards) qui seront tirées au hasard chaque tour. Chacun des 7 suspects sera agrémenté d’une couleur au même titre qu’une des faces des tuiles « Preuves ». Comme indiqué précédemment, le joueur représentant l’organisme de Presse devra donc réussir à relier 2 suspects en usant de tuiles « Preuves » du même code couleur que le suspect jusqu’au Président Nixon. Le représentant de l’Administration aura en revanche tendance à utiliser l’autre face des tuiles qui seront tout simplement noire, représentant ainsi l’absence manifeste de preuves.
Des marqueurs viendront agrémenter le tout pour définir la progression des joueurs aussi bien sur une échelle commune que personnelle (appelée carte de Momentum) dont l’utilité divergera selon que l’on œuvre pour la Presse ou pour la Présidence.
La partie se déroulera en une série de tours, eux-mêmes subdivisés en phases. Les joueurs commenceront par piocher une certaine quantité de cartes action de leur propre talon avant que le représentant de l’Administration se saisisse de 3 preuves au hasard qu’il aura tout loisir d’admirer avant de les placer face cachée sur un espace dédié du plateau. Le joueur disposant de l’initiative ouvrira les hostilités en jouant une carte de sa main. Chaque carte sera composée de 2 types d’action impliquant soit une valeur et un code couleur – à l’instar des preuves et suspect – soit une action spécifique dont il suffira de suivre les instructions. Les cartes permettront par exemple de s’approprier les preuves ou de révéler des suspects pour les placer sur le plateau. Une fois que les joueurs auront joué toutes les cartes de leur main, on procèdera aux ajustements de fin de tour avant d’en recommencer un nouveau si les conditions de victoire ne sont pas remplies d’une part où de l’autre.
Du matériel qui claque : quand ludique rime avec instructif
Une large majorité de la population a probablement déjà entendu le terme de Watergate, soit par intérêt architectural soit simplement en scrutant l’actualité de la politique US puisque l’actuel résident de la Maison Blanche semble être un digne héritier de Richard Nixon. Mais en règle générale, les connaissances autour du sujet restent cependant assez vagues. C’est du coup d’autant plus appréciable de souligner l’effort consenti par l’équipe de Capstone Games pour ancrer ses éléments de jeu au plus proche de la réalité. Les 7 suspects sont par exemple des personnages clés du scandale qui bénéficient d’ailleurs d’une petite présentation pour les situer dans l’histoire. Le style appliqué et les couleurs à tendance sepia limite parfois un peu ternes permettent d’ancrer temporellement l’action et favoriseront sans équivoque l’immersion des joueurs.
Un scandale qui n’aura jamais été aussi attractif
Comme indiqué tantôt, il va falloir encore patienter quelque temps pour tenter de changer le cours de l’histoire puisque le jeu a été officiellement annoncé pour la période de l’automne. Avec la Spielmesse d’Essen, il y a fort à parier qu’on verra déjà fleurir une certaine quantité de boites… Quoiqu’il en soit, le soin apporté à la conception du jeu et sa thématique originale sont autant de facteurs positifs qui nous font penser que le Watergate risque bien de marquer à nouveau l’histoire, bien que plus positivement cette fois-ci. Ce qui est certain, c’est qu’au sein de la rédaction, jamais parfum de scandale n’aura été plus attractif !